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ELLE S'APPELAIT SARAH

Gilles Paquet-Brenner rafle la mise

Julia, journaliste américaine vivant à Paris, entreprend la rédaction d’un article sur la rafle du Vel d’hiv. Son enquête l’amène à s’intéresser à l’appartement familial du quartier du Marais qui aurait appartenu à une famille de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle découvre alors que sa belle-famille cache un terrible secret…

« La Rafle » avait été le premier film à montrer sur grand écran les heures sombres de notre Histoire en proposant une reconstitution fidèle des événements survenus pendant la Seconde Guerre mondiale. Un cauchemar à nouveau mis en scène, cette fois-ci par Gilles Paquet-Brenner que nous n’attendions pas dans ce registre-là, après « Les jolies choses » et le diptyque de « Gomez et Tavares ».

Pourtant, le jeune réalisateur de 35 ans a de profondes raisons de se pencher sur cet épisode du passé, des membres de sa propre famille, juive, ayant péri dans les camps. Rappelons que cette rafle a été organisée par l’Etat français en juillet 1942 lorsque plus de 10 000 juifs de France ont été enfermés dans l’enceinte du vélodrome d’hiver à Paris, dans l'attente d'un transfert vers Beaune-la-Rolande, où on les força ensuite à embarquer dans des trains en partance pour les camps de la mort.

C’est donc pour Gilles Paquet-Brenner une introspection de sa propre histoire face à l’Histoire. Et c’est aussi celle de Julia, journaliste américaine vivant en France, et héroïne du roman éponyme de Tatiana de Rosnay, adapté par le réalisateur. Cette journaliste découvre que l’appartement parisien de sa belle-famille a été acquis en août 1942 dans des conditions obscures. Il n'en faut pas plus pour attiser sa curiosité et l’amener à enquêter sur les anciens propriétaires, une famille de juifs victimes de la rafle et dont la fille, Sarah, n’a de cesse de chercher à rejoindre son appartement, où elle a caché son petit frère dans le placard pour le sauver de l’arrestation.

L’adaptation de l’œuvre littéraire est remarquable, la réalisation de Paquet-Brenner est d’une justesse sidérante, l’interprétation de Kristin Scott Thomas est bouleversante, ce qui donne au film une valeur infiniment plus grande que celle de « La Rafle » de Roselyne Bosch, certes très juste dans l’analyse historique des faits, mais beaucoup plus lourd dans son langage cinématographique, avec ses histoires d’amourettes inutiles et ses bombes lacrymales de dernières minutes.

Ici, Gilles Paquet-Brenner réussit parfaitement à mêler deux histoires à deux époques différentes, et pour lesquelles le spectateur se passionne réellement. Des rues de Paris à la campagne du Loiret, de New York à la chambre d’hôpital de Mamé, on est constamment tenu en haleine en suivant ces deux destins de femmes séparées de plus d’un demi-siècle, emporté par la force des résonances entre passé et présent.

Les seconds rôles sont inattendus et donnent du poids au film. D’Aidan Quinn (inoubliable frère de Brad Pitt dans « Légendes d’automne ») à Michel Duchaussoy en passant par Niels Arestrup, on se retrouve face à des ténors du cinéma qu’on n’imaginait vraiment pas retrouver dans un film de Gilles Paquet-Brenner. Face à eux, Kristin Scott Thomas, comédienne définitivement adoptée par le cinéma français (« Il y a longtemps que je t’aime », « Partir », « Un crime d’amour »…), est comme d’habitude impressionnante et porte le film de bout en bout ; le meilleur film de son réalisateur, qu’on se le dise !

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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