DUMB MONEY
Les cyber-loups de Wall Street
Lorsque Keith Gill décide de miser toutes ses économies sur GameStop, il ne s’attendait pas à être à l’origine d’un mouvement. Mais lorsqu’on s’attaque à Wall Street, ceux-ci ne tardent jamais trop à répliquer…
Pour tous ceux qui s’intéressent à la bourse, il est probable que vous ayez déjà entendu parler de GameStop. Pour les néophytes, l’affaire est aussi simple qu’extraordinaire. Imaginez une bande de quidams, infirmiers, serveurs, étudiants etc. qui vont faire trembler les murs de Wall Street. Nous sommes en janvier 2021. Le Monde se remet à peine du COVID, et beaucoup d’entreprises se retrouvent dans des situations précaires. Les fonds spéculatifs parient ainsi d’énormes sommes sur les faillites à venir de certaines, dont GameStop, une chaîne de magasins de jeux vidéo. Keith Gill, jeune analyste financier, qui bénéficie d’une petite communauté sur le web va alors faire un investissement que personne ne lui aurait conseillé : mettre toutes ses économies sur ce Micromania américain. Effet boule de neige : ses followers vont en faire de même, inverser le cours de la bourse et faire perdre des montants colossaux à ces magnats du business.
De ce récit de David contre Goliath 2.0, Craig Gillespie ("Moi, Tonya") en tire une satire ultra-rythmée, corrosive et jouissive. Réussissant à être pédagogique sans être professoral, "Dumb Money" est avant tout un grand divertissement façon Adam McKay, où la forme survitaminée ne saurait effacer le fond et la critique de ces élites avides d’argent. Robin des Bois s’appelle ici DeepFuckingValue ou encore Roaring Kitty, mais le message est tout aussi galvanisant. Évidemment, le film s’enferme dans un certain schéma, se construisant par l’opposition constante entre des traders obnubilés par les dollars et ces gens ordinaires cherchant à simplement adoucir leurs fins de mois. Oui, mais pas que. Car la plupart n’ont pas joué en bourse pour se remplir les poches, mais bien pour lutter contre un système, pour montrer qu’un groupe, peu importe ses origines et sa taille, peut ébranler des multinationales s’il se serre les coudes et qu’il croit suffisamment en son action.
Cela peut paraître anodin, mais le faire avec une telle sincérité rend le métrage très agréable, raisonnablement nerveux pour nous tenir en éveil en permanence, assez amusant pour nous faire sourire des dérives de l’Économie. Avec son casting prestigieux, ce cousin de "The Big Short" s’avère l’une des belles surprises de cette fin d’année, aussi pertinente que mordante. Surtout, ce pamphlet humoristique parvient à susciter de l’émotion sur plusieurs séquences, transformant le simple manifeste au vitriol en une vraie œuvre cinématographique, avec des sous-intrigues et une excellente caractérisation des protagonistes. On en redemande !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur