DRIVE MY CAR
Un voyage bouleversant
Suite à un drame personnel, un acteur et metteur en scène part monter une pièce dans un festival à Hiroshima. Là-bas, il rencontre Misaki, une jeune femme réservée qui sera sa chauffeuse durant toute la durée de la résidence. Au fur et à mesure de leurs trajets, les deux individus apprennent à s’appréhender…
Depuis quelques années, Ryusuke Hamaguchi s’est imposé comme le réalisateur de l’intime, offrant des œuvres pures, à la sobriété déchirante. Après avoir été révélé en France au milieu des années 2010, notamment avec "Senses" et "Asako I et II", le cinéaste accélère le rythme, ayant eu cette année les rares honneurs de figurer en compétition de deux festivals majeurs : la Berlinale pour "Contes du hasard et autres fantaisies" (reparti avec le Grand Prix) et le Festival de Cannes avec "Drive my Car" donc, qui lui aura valu le Prix du scénario.
Amorcée par un long prologue de quasiment une heure, l’intrigue se focalise sur Yûsuke Kafuku, un metteur en scène et acteur hanté par les drames du passé. Dans le cadre d’un festival à Hiroshima où il anime une résidence d’artistes, il se voit offrir la possibilité de monter une pièce de Tchekhov, "Oncle Vania", mais se voit aussi imposer une chauffeuse durant toute la durée de l’événement. Lui qui aime tant tout contrôler va devoir faire confiance, s’abandonner. Et derrière le volant, c’est une jeune femme toute autant meurtrie qui sera chargée d’assurer ses déplacements. Lyrique et hypnotique, le film est une sorte de road-trip poignant, où le mouvement du véhicule contraste avec l’immobilisme des personnages, enfermés dans des culpabilités sur lesquelles ils n’arrivent pas à poser des mots.
Capturant les énergies et les silences comme peu savent le faire, Ryusuke Hamaguchi poursuit une nouvelle fois ses thèmes de prédilection, la disparition et le deuil, avec une grâce qui lui est propre, refusant toute forme d’impudeur. Ses protagonistes n’ont pas besoin de s’exprimer, les regards se suffisent, sa mise en scène délicate épousant magnifiquement les troubles et les émotions de ce duo principal. Peuplé de personnages secondaires touchants, à l’image de cette vieille actrice muette, "Drive my Car" est un mélodrame magnétique, probablement trop long, mais dont la pseudo-simplicité scénaristique démontre une complexité formelle saisissante. Avec ce périple introspectif, torrent calme d’émotions, Hamaguchi s’affirme définitivement comme l’une des voix les plus en vogue du 7ème Art japonais.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur