DOUBLES VIES
D’intéressantes crises existentielles et artistiques
Alain, éditeur, déjeune avec Léonard, un ami écrivain qu’il publie, mais qui semble en panne d’inspiration, et dont il souhaite refuser le dernier script. Séléna, sa femme, est la vedette d’une série télé à succès. Quant à Valérie, la jeune compagne de Leonard, elle est l’assistante d’un homme politique. Mais les relations des deux couples sont plus compliquées qu’en apparence, puisque Séléna entretient depuis 6 ans une liaison avec Léonard…
Avec "Doubles vies", Olivier Assayas met en scène l'histoire de deux couples, composés d’un éditeur et de sa femme, actrice, et d'un auteur et de sa compagne, conseillère d'un homme politique. Dans ce quatuor, au moins trois sont en proie aux doutes quant aux choix qu'ils font dans leurs métiers respectifs, mais semblent beaucoup moins préoccupés par leurs relations personnelles et la notion d’infidélité en générale. Mais au-delà de ces questions, dans ces chroniques de quarantenaires perturbés, il sera avant tout question d’amitié, d’image de soi, de vieillissement et d’évolution de la société.
Développant, dans de délicieux et intelligents dialogues, les préoccupations des principaux personnages concernant l'irruption du numérique dans l'art, Assayas amène avec délectation de lucides digressions sur le rapport à internet, la gratuité des œuvres, la numérisation, la prolifération des avis personnels. L’ancien critique ajoute d’ailleurs à notre plaisir avec quelques croustillantes allusions cinéphiles (l'amour lors d'une séance du "Ruban Blanc", la proposition de rôle à Juliette Binoche) qui marqueront forcément.
Entre une scène de repas entre amis, un passage en librairie, une interview tranchante à Radio France, ce microcosme artistique exprime peu à peu ses doutes, liés à des choix et parcours plus intimes. Les cinq interprètes rivalisent de bons mots et semblent inclure le spectateur dans leur intimité. Mais saluons particulièrement la prestation très réussie de Nora Hamzawi, en animal politique insensible, qui refuse de tomber dans la sensiblerie de son compagnon, inversant ainsi délicieusement les rôles. Au final, "Doubles vies" est un film savoureux qui parle avec justesse du couple et de l'imperfection de l'être humain.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur