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DIG!

Un film de Ondi Timoner

Voyage au bout du rock

L’histoire exemplaire de deux groupes de la scène indépendante américaine vue de l’intérieur : les Brian Jonestown Massacre de San Francisco et les Dandy Warhols de Portland. Unis au départ par un même esprit de révolte et de création, par une admiration réciproque, chacun va gérer à sa façon le tiraillement entre ses aspirations artistiques et sa soif de notoriété…

Ondi Timoner connaît bien le rock. Et elle aime cela. Pendant six ans, armée de sa petite caméra, elle a suivi deux groupes de la scène indépendante américaine : les connus Dandy Warhols et les confidentiels Brian Jonestown Massacre. Deux trajectoires radicalement différentes. Et pourtant, au début, les deux formations étaient inséparables. Formant un groupe d’amis solidaires, ils vont s’éloigner les uns des autres au fur et à mesure des succès des uns et des échecs des autres.

On attribue au rock la formule sex, drugs and rock n’roll. La réalisatrice n’essaye pas d’échapper à ce poncif. Et même s’il est tentant, pour plaire aux jeunes admirateurs de ce style de vie, d’adhérer à cette recette, elle en montre toutes les limites d’une manière subtile et qui paraît impartiale. Les Brian Jonestown Massacre dirigés d’une main de maître par le mégalomane et directif Anton Newcombe, croient en l’inspiration éthylique et toxicomaniaque. Refusant toutes concessions commerciales aux grands labels qui veulent les produire, le groupe va peu à peu se dissoudre et manquer la destinée qu’on leur promettait.

Car, tout au long du documentaire, les spécialistes s’accordent à dire qu’Anton Newcombe est un génie de la musique rock. Proche de Syd Barrett (tête pensante de Pink Floyd avant de sombrer dans la dope et surtout la folie) dans la manière de vivre, de Bob Dylan pour le côté folk de leurs compositions et du Velvet Underground pour l’aspect pysché-années 60, le groupe de San Francisco se bat sur scène, insulte les patrons de l’industrie venus les voir sur scène pour les signer et peu à peu déteste leurs amis des Dandy Warhols.

Chez ces derniers, l’attitude n’est pas aussi désinvolte. Et pourtant, ils continuent à faire la musique qu’ils aiment et surtout parviennent à en vivre. Cela n’est possible que grâce à une chose : le compromis. C’est la principale leçon de ce fantastique documentaire d’Ondi Timoner. Mettre de l’eau dans son vin. Les têtes brûlées peuvent difficilement accomplir leurs rêves. Il faut pouvoir mener sa révolution dans la douceur pour mieux faire passer ses idées. Cela ne revient pas à dire que les Dandy Warhols ont tout perdu de leurs convictions. Au contraire, elles ont su évoluer quand celles de leurs amis n’ont fait que stagner jusqu’à pourrir sur place.

Profitant de cette étude rock, la réalisatrice aborde tous les thèmes de la nature humaine, un travail aux accents sociologiques portant sur le succès, la manière de l’appréhender, la jalousie, l’admiration, l’espoir,… C’est ce qui fait de Dig ! un essai passionnant où tout spectateur fan de musique trouvera son compte. Ne serait ce que pour une bande son époustouflante qui fait encore plus regretter le gâchis Anton Newcombe.

De 1500 heures d’images, Ondi Timoner a parfaitement réussi à construire une trame narrative que l’on suit avec intérêt. Emaillant les moments pathétiques d’instantanés savoureux et de scènes de succès lyriques (des milliers d’anglais écoutant les Dandy Warhols au festival de Reading), le film est riche et passionnant.

Et s’il fallait résumer Dig ! en une phrase, ce serait peut-être celle-ci : les groupes des années 1960 se sont drogués une fois célèbres. Les Brian Jonestown Massacre ont eu le malheur de faire le contraire. Dixit une critique musicale. Lorsque l’on ressort du film, on rage contre Anton Newcombe, génie qui a préféré s’autodétruire plutôt que de contenir ses instincts pour les réinjecter dans ses morceaux. Pour vivre, il fallait fuir le groupe. C’est ce qu’a fait le guitariste Peter Hayes pour rejoindre … le Black Rebel Motorcycle Club, maintenant considéré comme l’avenir de la scène rock. Comme quoi Brian Jonestown Massacre n’était pas loin du génie. Pas loin uniquement. Une dernière chose : Rock is not dead !

Matthieu Deprieck

Le Quotidien du cinémaEnvoyer un message au rédacteur

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