THE DICTATOR
Un ersatz de chic Corée
Est-ce Sacha Baron Cohen qui perd de son talent, ou son humour qui n’a, en réalité, jamais été à la hauteur ? Dans « The Dictator » comme dans ses précédents films, la tentative de drôlerie est poussée à une extrémité telle qu’on manque parfois de s’étrangler. Audace ou indécence ? L’hurluberlu a beau avoir ses fans, il faut tout de même faire preuve de beaucoup de légèreté pour rire de bon cœur devant le pire de l’humour scatologique, avec en paroxysme un accouchement improvisé dans une boutique bio qui tourne à la plaisanterie anale. Le comique du bonhomme est toujours très élégant, on le sait. Certes, mais ici comme ailleurs, Sacha Baron Cohen ne se donne aucune limite; sa cible est constamment le potache le plus gras, le plus trivial, le plus obscène. Traditionnellement, l’humour doit naître de ce plaisir de la transgression qui n’existe pas ici, puisqu’il n’y a plus rien à transgresser, puisque tout est permis. Ce n’est plus du cinéma comique mais une expérience de télé-réalité fourre-tout mélangée à du stand-up, où le clown de service est prêt à tout pour tirer un sourire du spectateur. Ce n’est plus une critique sous couvert d’humour, mais de l’humour en tant que tel que l’on tente obstinément de dissimuler derrière un regard soi-disant critique.
Le point de départ de cette fiction, qui mélange posture classique et caméra à l’épaule, ne fait pas vraiment dans la subtile métaphore géopolitique. On retrouve en Wadiya tous les éléments qui font le succès des dictatures modernes façon Kim Jong-un en Corée du Nord ou Berdimuhamedow au Turkménistan, avec un zeste d’Émirat du Golfe persique et une pointe d’ironie démocratique comme chez nos chers leaders récemment débarqués des pays arabes, Ben Ali et Moubarak en tête. L’égocentrisme absurde d’Aladeen, tout en rappelant les lubies superstitieuses de certains tyrans (le général birman Than Shwe est célèbre pour sa croyance aveugle en l’astrologie, dont la principale conséquence fut le déplacement en grande pompe de la capitale de Rangoon à une obscure cité enfouie dans la jungle), est valorisé par le soutien extérieur dont il bénéficie, comme la plupart des dirigeants sanguinaires. Ironiquement, si le film débute par un avertissement de Barack Obama à l’égard de la Wadiya du fait de la tentation nucléaire (qui a parlé d’Iran ?), personne ne nous explique pourquoi la communauté internationale a attendu si longtemps pour remettre en cause l’autorité d’un chef nommé à l’âge de six ans ! Insidieusement, Cohen fait également référence à ces scandales touchant certaines stars de la chanson accusées d’avoir organisé des concerts privés pour les pires truands de la planète, lorsque, dans une séquence délicieuse avec Megan Fox en guest star, il montre le mur du général Aladeen couvert de photos de toutes les célébrités avec lesquelles il a batifolé contre large rémunération.
Depuis son passage au grand écran, soutenu par le réalisateur Larry Charles, Sacha Baron Cohen n’a malheureusement pas prouvé qu’il soit capable de tenir la distance sur quatre-vingts minutes. Les qualités et les défauts de son « Dictator » rejoignent celles et ceux de « Borat » comme de « Brüno » : quelques séquences drôles et bien vues (mention spéciale à la visite de New York en hélicoptère, avec deux Américains très effrayés) perdues dans un maelström de mauvais goût. Cohen confond impertinence et trivialité, mais gageons que cette erreur ne gênera pas plus ses fans qu’ils ne le furent lors de ses précédentes bouffonneries.
Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur