DIAMANT BRUT
Une version Instagram ratée du triptyque « Amour, Gloire et Beauté »
Liane a une obsession dans la vie : devenir influenceuse. Et un casting pour une émission de télé-réalité pourrait bien lui permettre de réaliser son rêve…
Pour son premier long métrage, Agathe Riedinger arrive immédiatement dans le grand bain, en se voyant offerts les honneurs d’une sélection en compétition officielle au Festival de Cannes, récompense qui, on l’imagine, a dû s’accompagner d’un mélange d’excitation et d’appréhension. Et malheureusement, le spectacle proposé sur l’écran du prestigieux Grand Théâtre Lumière ne sera jamais à la hauteur d’un tel événement. L’intrigue nous invite à découvrir Liane, une jeune femme de 19 ans au caractère bien affirmé. Elle rêve de paillettes, au point de s’en coller en permanence sur le corps et les habits. Issue d’un milieu modeste de Fréjus, sa vie de strass, elle compte bien l’obtenir en mettant en avant ses formes généreuses, pour lesquelles elle n’a pas hésité à sortir le chéquier. Un jour, elle sera une star de la télé-réalité, et un casting pour une émission pourrait bien venir tout changer.
"Diamant brut" se veut un conte contemporain qui questionne la représentation du féminin. Mais a contrario de ce qu’avait parfaitement réussi Rebecca Zlotowski avec "Une Fille Facile", la réalisatrice se contente ici de capturer des images, recherchant l’esthétisme à tout prix pour combler un scénario caricatural au possible. Dans une approche formelle qui rappelle souvent le cinéma de Sean Baker (caméra à l’épaule, séquences clipesques, soleil d’ocre, communauté défavorisée en marge de la société), le film accumule les archétypiques au point de dénigrer ses personnages. Il y a pourtant bien une matière intéressante à travailler dans ce portrait d’une gamine dont les chimères de gloire passent par le prisme d’un téléphone, et donc par l’exposition sulfureuse de son anatomie pour se démarquer, comme trop d’adolescentes font le triste raisonnement. Sauf que le récit mécanique et programmatique condamne la protagoniste à rester un être sans profondeur, face auquel il est difficile de comprendre les velléités de la metteuse en scène.
Si le métrage parvient à susciter le malaise à plusieurs reprises, les artifices narratifs annihilent trop rapidement les effets dramatiques. On aurait pourtant aimé adorer cette chronique sociale sur fond de déni de classes les plus pauvres. On aurait voulu s’attacher à cette gamine qui voit dans le métier d’influenceuse la nouvelle échelle pour s’extirper de sa condition. Et même si cette idée de rapprocher le religieux avec ces nouveaux prêcheurs 2.0 dont une story Instagram suffit à exciter ses disciples, thématique captivante, ne suffit pas à effacer notre déception. Mais comme souvent au cœur des orages, une lueur surgit : Malou Khebizi. L’actrice, de tous les plans, est impressionnante de justesse et de rage dans le rôle de cette héroïne incandescente. Il est certain qu’elle est au début d’une très belle carrière. Et on lui souhaite que pour son prochain rôle, le diamant soit mieux poli.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur