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DESTROYER

Un film de Karyn Kusama

La route est encore longue…

Détective au LAPD, Erin Bell vit toujours avec, sur sa conscience, le poids des tragiques conséquences entourant une vieille affaire où elle joua les infiltrées dans un gang du désert californien. Une affaire qui ressurgit tout à coup via la réapparition en ville du chef du gang en question, la forçant ainsi à se confronter de nouveau à ses démons…

Destroyer film image

Les héroïnes des films de Karyn Kusama ont toutes un point commun : qu’il s’agisse d’une boxeuse violente, d’une justicière futuriste, d’une adepte d’un culte sectaire ou d’une adolescente possédée par le démon du sexe, il y est toujours question d’une psyché torturée dont l’origine est à puiser dans un environnement brutal. "Destroyer" ne faillit pas à la règle en voulant gratter les cicatrices intérieures d’une inspectrice hantée par son passé, et ce via une narration instable qui use beaucoup de flashbacks. Un parti pris qui, à l’écran, ne fonctionne pas : trop entortillé pour donner à ressentir précisément les états d’âme de tel ou tel personnage, le scénario ne se repose sur rien d’autre que son héroïne, laissant l’univers urbain et violent qui l’entoure à l’état de toile de fond sans affects. Faut-il y voir de nouveau un film qui cherche à impressionner en se reposant exclusivement sur la performance de son actrice-caméléon ? N’hésitons pas à répondre par l’affirmative, tant la promotion faite autour du film et son statut d’énième véhicule à performance oscarisable crèvent ici le plafond de l’évidence. Et c’est bel et bien le genre de piège dans lequel on ne tombe plus désormais.

Bien entendu, Nicole Kidman mérite tous les éloges du monde pour sa prestation : pâlie, ridée, amaigrie, défaite et physiquement méconnaissable, l’actrice en impose pour faire passer tout le caractère torturé et meurtri de son personnage. Le problème, c’est que le film l’utilise moins comme moteur narratif (méthode active) que comme effet spécial (méthode passive), comme si la volonté de Kusama d’impressionner son spectateur devait être à sens unique. Dès lors, tout ce qui devrait passer pour une fulgurance émotionnelle ou un moment de tension est systématiquement traité à l’emporte-pièce, presque comme une contrainte ou comme la troisième roue du carrosse, y compris lors d’une belle scène finale qui semble illuminer par une série de plans mystérieusement mémoriels le parcours rédempteur de son héroïne. Quant à Karyn Kusama, elle semble bel et bien incapable de renouer avec la force viscérale du "Girlfight" qui l’aura révélée aux yeux du monde il y a presque vingt ans. Non pas qu’elle soit en chute libre en matière de maîtrise visuelle – son récent "The Invitation" prouvait déjà qu’il en était autrement – mais il est évident que, de la part d’une cinéaste aussi punchy qu’elle, on attend toujours un coup de boule et non une chiquenaude.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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