DESTRICTED
Forcément inégal
Sept courts-métrages au travers desquels des réalisateurs et des artistes, parmi les plus visionnaires et provocateurs de leur génération, font se rencontrer l’art et le sexe…
Ce recueil de courts-métrages abordant de manière plus ou moins frontale la sexualité fut l'un des événements de la Semaine de la critique de Cannes 2006. Il est composé de 7 films aux styles et points de vue très différents, dont certains intriguent ou déroutent alors que d'autres provoquent juste l'ennui. Le premier, "Balkan Erotic Epic" de l'artiste Marina Abramovic présente des us et coutumes des Balkans. L'artiste intervient face caméra, puis elle illustre, en dessin puis en live, certaines croyances, comme la fécondation de la terre par l'homme, sensée apporter une bonne récolte. On y voit aussi des femmes se malaxant les seins au grand air, sur fond de chants locaux. Culturellement intéressant mais déroutant. Le second est beaucoup plus réussi et troublant. "Hoist" de Matthew Barney fond l'homme et la machine en présentant la masturbation hypnotique d'un corps masculin enserré dans la structure d'un engin de chantier gigantesque. Évocation érotique et organique, le film captive et surprend.
Le troisième, "Sync" de Marco Brambilla, personnifie l'intensité de l'acte sexuel, avec un montage ultra-séquencé de films pornos ou de scènes de sexe au cinéma, qui s’enchaînent comme pour en former une seule, faite de caresses et d'ébats, avec en fond un morceau de batterie. Très réussi et fluide. Suit "Impaled" de Larry Clark, certainement la séquence la moins passionnante, regroupant une série d'auditions pour des scènes pornos, et permettant d'avoir un aperçu des fantasmes des ados du moment. Statique et long, le film se termine sur une vraie scène porno sans grand intérêt. "Death Valley" de Sam Taylor-Wood nous montre ensuite une « petite mort » (ou masturbation) en pleine Vallée de la mort, qui ne relève pas vraiment le niveau, en dehors du supposé jeu de mot.
Reste "We Fuck Alone" de Gaspar Noé, l'un des segments les plus réussis. On y voit une scène de film porno, regardée à la fois par deux jeunes adultes. Montrant la différence entre la sexualité et les fantasmes féminins et masculins, le même film inspire ainsi deux attitudes masturbatrices opposées. La femme se donne délicatement du plaisir au milieu de peluches, alors que l'homme utilise une poupée gonflable, qu'il domine, humilie et menace à souhait. La caméra aérienne flottante de Noé et les effets stroboscopiques font du film une œuvre proche du rêve ou du cauchemar atténuant la sensation voyeuriste. Enfin, "House Call" de Richard Price s'apparente une scène porno vintage entre homme et femme sans grande originalité. Un résultat global, au final, mitigé, qui a le mérite d'aborder la sexualité sans tabou et de manière frontale, et de provoquer par moments, trouble et malaise.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur