DERNIER AMOUR
Une déception en brodequin et une réussite en robe
Casanova est l’un des plus grand séducteurs de l’histoire, mais pendant son court séjour à Londres, il va découvrir une femme, la seule qu’il aimera jamais : La Charpillon…
Il est intéressant de lire que Benoît Jacquot ne voulait pas initialement de Vincent Lindon en Casanova. En effet, l’acteur français, symbole de la masculinité un peu brute et un peu rustre semblait ne pas pouvoir convenir à l’image du grand dandy italien, efféminé et délicat. Lindon donne en effet ici une performance surprenante dans sa carrière. Engoncé dans des bas et des brodequins, maquillé et avec une perruque, il tente difficilement de se libérer de sa démarche chaloupée et de ses airs de bagarreur. Ce qui est plus dur cependant, c’est le phrasé. Lindon est un acteur sincère, honnête, direct, hors des manières de société, des circonvolutions, qui sont pourtant au cœur du milieu dans lequel il évolue ici. C’est là un échec en demi teinte. Les quelques moments de justesse, sont ceux où Casanova cède face à ses pulsions et tente de se jeter sur la jeune femme. Car même la tristesse, quand elle est teintée de mondanité, n’est pas du ressort de Lindon.
Le vrai succès du film est le personnage de La Charpillon, magnifiquement incarné par Stacy Martin. L’actrice évolue parfaitement dans ce milieu. Courtisane virginale, elle porte sa vertu comme parure et sublime le jeu parfois maladroit de Lindon. Lars Von Trier l’avait très bien choisie et c’est cette Stacy là que Jacquot reprend et non celle du "Redoutable". Il se sert de sa moue, de ses grands yeux et de son visage innocent, pour la faire passer du statut d’allumeuse à celui de jeune fille sans défense. La Charpillon connaît ses charmes, ses forces et le pouvoir qu’elle a sur les hommes. Stacy Martin également. Les autres personnages, inventés de toutes pièces, que sont Clermont (Nathan Willcocks) et Lord Pembroke (Christian Erickson) sont eux aussi des réussites.
Benoît Jacquot fournit pour ce film un important travail de reconstitution historique. Aidé par la spécialiste de Casanova, Chantal Thomas, avec qui il avait déjà travaillé, il tente de reconstituer un XVIIe siècle aussi adéquat que possible. Il filme donc les bas-fonds et les parties de campagne de la même manière. En une heure trente huit, c’est donc un film assez léger, plutôt insignifiant même, qui se dévoile. Il est à voir pour la représentation intéressante des mœurs du XVIIe, les costumes, les bals, les relations de cour, mais pour ce qui est de l’intrigue, de l’implication émotionnelle, ou des enjeux, il faudra repasser.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur