DEMONS IN PARADISE
Un documentaire qui fait froid dans le dos
Au Sri Lanka, en 1983, Jude Ratnam avait 5 ans lorsqu’il a fui, en train, les massacres perpétrés contre les Tamouls par une partie de la population cinghalaise, les autorités fermant alors les yeux. Devenu réalisateur, il parcourt son pays, faisant ressurgir les traces d’une guerre qui aura duré près de 26 ans…
Découvert en séance spéciale du Festival de Cannes 2017, "Demons in Paradise" est un passion et troublant documentaire permettant de décortiquer les rouages d’une guerre civile. Au travers des rencontres et retrouvailles que va faire Jude Ratnam, cinghalais de langue tamoul, aujourd’hui vivant au Canada, ce sont les séquelles des émeutes de 1977, puis de celles de 1983 (qui marquèrent le début de la guerre civile) et les affrontements stériles entre clans, qui sont ici mis en évidence.
Débutant par des images d’archives présentant le développement du pays (mines, chemin de fer...), au détriment des tribus locales, le film se centre ensuite sur l’humain, alignant les témoignages sur des sites où eurent lieu d’épouvantables exactions (exécutions, hommes brûlés vifs…) ou les retrouvailles bouleversantes (les voisins qui ont caché et protégé sa mère en 77…). Tentant d’expliquer la complexité (le souhait d’un Eelam Tamoul indépendant, les lutes entre 16 clans différents, dont les Tigres Tamouls…), Jude Ratnam adopte un récit en forme de voyage, permettant de questionner un apaisement possible des consciences.
Au delà de l’approche auto-biographique, il utilise aussi à bon escient quelques symboles efficaces : une gare en ruine comme image d’une défaite collective, une branche dont la sève s’écoule telle une blessure encore à vif. Invitant à une difficile mais possible réconciliation, "Demons in Paradise" fait autant froid dans le dos qu’il montre une essentielle entraide, au-delà des communautés et des religions.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur