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DEADLY ILLUSIONS

Un thriller pseudo-lynchien qui ne parvient pas à exploiter son potentiel

Après des années sans écrire pour s’occuper de sa famille, la romancière Mary Morrison se voit proposer un contrat juteux au moment même où son mari a perdu une grosse somme d’argent à cause de mauvais placements. Pour écrire dans de bonnes conditions, Mary engage une nounou, à laquelle elle s’attache rapidement…

Sortie le 18 mars 2021 sur Netflix

Le pedigree de la réalisatrice intrigue : après deux films familiaux autour des chevaux ("Emma’s Chance" puis "Pistachio"), voilà Anna Elizabeth James aux commandes d’un thriller psychologique. Peut-on réussir un tel grand écart ?

Le démarrage est plus que poussif et on a vite l’impression de regarder un fade téléfilm dramatico-érotique, sans aucun relief et bourré de clichés, notamment pour le personnage de Grace qui exploite à la fois l’archétype de la nounou séduisante et celui de la fausse ingénue coincée qui s’avère aguicheuse et intrusive. S’ajoute à cela un grand nombre de maladresses et d’aberrations. Par exemple, l’écrivaine est censée avoir embauché une nounou pour s’occuper de ses enfants pendant qu’elle écrit ; or, durant cette première partie, elle ne semble jamais attelée à sa tâche et la nounou est présente en même temps que des parents qui paraissent désœuvrés ou qui prennent du bon temps un peu à l’écart, en buvant des verres de rouge ou en baisant dans la cuisine ! Et quelle est donc cette idée saugrenue de proposer une séquence où la femme offre des sous-vêtements affriolants à la nounou de ses enfants ?

C’est donc en poussant de profonds soupirs d’ennui et d’exaspération que l’on subit une première demi-heure franchement mauvaise, nous faisant pressentir un inévitable navet de bout en bout. Avec un peu de patience, on sent quand même un potentiel émerger : l’imagination de l’écrivaine va-t-elle se mélanger avec sa réalité, au point que le public ne sache plus si ce qu’il regarde concerne ce qu’elle vit vraiment ou ce qu’elle fantasme ?

De temps à autre, "Deadly Illusions" parvient à maintenir les ambiguïtés. La relation entre Mary et Grace est-elle effective ou est-ce un fantasme lesbien pour la première ? Mary est-elle une femme fragile en train de perdre pied ou est-elle au contraire une femme sûre d’elle gardant un total contrôle sur la situation, comme le suggère par exemple le plan la montrant en train de fumer un cigare avec les pieds sur son bureau ? Est-elle toujours elle-même ou assiste-t-on à une image qu’elle se fabrique, peut-être en se transposant elle-même dans son propre roman ?

Si quelques répliques sont bien senties et entretiennent des doutes (par exemple lorsque Mary explique au début du film qu’elle devient une autre personne quand elle écrit), d’autres dialogues sont terriblement lourdingues et explicitent des faits qu’il n’était pas utile de nous expliquer aussi frontalement. D’autre part, la mise en scène manque cruellement de style et de finesse pour qu’on se laisse vraiment prendre au jeu, le scénario donne plus l’impression d’être incohérent plutôt que de proposer de véritables énigmes, et l’interprétation n’est pas toujours très subtile non plus : Kristin Davis (que les fans de "Sex and the City" prendront peut-être du plaisir à retrouver dans un premier rôle) est assez irrégulière, Dermot Mulroney et Shanola Hampton sont relativement mauvais, et seule Greer Grammer fournit une prestation au-dessus du lot.

Au final, si l’on ne devine pas tout et que l’on n’a aucune certitude lorsque le film se termine (le plan final laisse planer les doutes sur l’interprétation à avoir), on a quand même une sensation de déjà-vu qui plane tout au long de cet ersatz de "Mulholland Drive". Le potentiel était bien là mais n’est pas Lynch qui veut…

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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