DE NOS FRÈRES BLESSÉS
Un hommage sans souffle
Fernand et Hélène tombent éperdument amoureux, au point que celle-ci accepte de le suivre en Algérie. Mais nous sommes en 1954, et les désirs indépendantistes commencent à être réprimés de plus en plus sévèrement. Le couple va alors voir son destin basculer…
Après le remarqué "Vandal", Hélier Cisterne poursuit son exploration des âmes humaines et de leur côté plus sombre, en adaptant un roman s’intéressant au destin de Fernand Iveton, militant communiste et anticolonialiste à Alger. À l’exception des férus d’histoire, il est probable que son nom ne vous dise rien, bien qu’il soit devenu un symbole de l’arbitraire de la justice à une époque trouble, où la honte s’emparait des tribunaux après des verdicts rendus sans aucune morale ou équité. Car nous sommes au milieu des années 50. Après la débâcle reçue en Indochine, le gouvernement français ne peut pas accepter la révolte d’une autre colonie. L’Algérie s’embrase, les forces de l’ordre réprimant à coups de poings et dans des bains de sang les velléités indépendantistes du peuple arabe. Fernand va alors décider d’agir, au nom de ses « frères » qu’il côtoie depuis la plus tendre enfance.
Plombé par un classicisme suranné et la lourdeur mécanique de ses flashs-back, la leçon d’histoire s’arrête à son propos, offrant un spectacle cinématographique bien plus décevant. Si le 7ème Art semble à nouveau s’intéresser à cette guerre, en témoigne le récent "Des Hommes", le film ne réussit jamais à trouver l’ampleur nécessaire, se limitant à une romance maladroite là on aurait aimé voir surgir à l’écran la fouge des protagonistes, cette flamme incandescente pour laquelle ils étaient prêts à tout sacrifier. Les idéaux au-dessus de l’amour, le danger comme quotidien.
Pourtant, les scénaristes (parmi lesquels on compte Katell Quillévéré, réalisatrice entre autres de "Réparer les vivants" et "Suzanne") avaient opté pour un choix judicieux : traiter le parcours de Fernand Iveton la majeure partie du temps par des points de vue extérieurs, laissant le spectateur juger lui-même des motivations du jeune homme. Refusant ainsi le manichéisme, et porté par un étonnant duo de comédiens, "De nos frères blessés" avait tout pour être la fresque intime et engagée que nous attendions. Malheureusement, ses défauts condamnent ce pamphlet à l’hagiographie calibrée pour les remises de prix, sans force et aspérité.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur