DAYS OF CANNIBALISM
Penser un avenir commun
Au Lesotho, des Chinois sont venus s’installer au cœur des montagnes, à l’origine pour travailler sur les chantiers, mais ils se sont également progressivement mêlés à la vie locale, provoquant un choc des cultures au cœur de la ruralité d’un des pays les plus pauvres du monde…
"Days of Cannibalism" s'ouvre sur une image de jeunes hommes et femmes noirs qui ont investis un hôtel quelque part en Chine. Il s'agit d'une plaque tournante de la contrefaçon. Les femmes comptent l'argent et les hommes transportent la marchandise. Un témoignage rapide et inédit de celles et ceux qui ont laissé la famille au pays et qui ont immigré pour tenter de gagner suffisamment pour envoyer de l'argent au pays.
Le reste du film se déroule au cœur du Lesotho, dans les campagnes profondes et les montagnes où le spectateur découvre avec surprise une population chinoise qui a fait un trajet inverse, mais identique à celui des jeunes gens vus en ouverture. En effet, eux aussi sont venus chercher loin de chez eux le moyen de s'en sortir. Mais le film ne s'intéresse pas à celles et ceux venus travailler sur les chantiers, vivant parqués dans des zones privatisées et uniquement chinoises.
Teboho Edkins prend le temps d'observer comment ces deux mondes se sont rencontrés et ont essayé de se mélanger. En effet, le petit commerce est tenu par un Chinois qui vend des produits locaux et des produits de chez lui. On peut le payer avec la monnaie locale, ou en yens. Il ne tente pas d'arnaquer qui que ce soit et est honnête sur ses comptes, même s'il ne sait échanger que quelques mots avec celles et ceux qui viennent dans son magasin. Les entrepôts de gros et de demi-gros, qui ont fait leur apparition dans cette campagne enclavée, sont également tenus par des chinois et pour y entrer il faut scanner son empreinte digitale.
En se servant du commerce des vaches et de leur traitement, le réalisateur parvient à donner un aperçu du dénuement de ces vies que la mondialisation a fait se rencontrer. A la fois proches et différentes, ces deux populations se tiennent face à face sur ce sol désertique illuminé par une soleil froid et peinent à se mélanger. Aucun n'apprend pour l'instant à l'autre ce qu'il sait, mais certaines voix, comme celle de Mojodi FM, appellent à un rassemblement, à un échange, à une rencontre, sans qu'aucun n'absorbe l'autre. Jamais dans ce film il n'est question de racisme ou de xénophobie et de vindicte pour dire aux Chinois de rentrer chez eux. Ils sont acceptés, leur présence est reconnue tacitement comme nécessaire, mais ils n'apprennent pas aux populations locales à gérer des magasins et eux ne leur apprennent pas à gérer le bétail qui est la première ressource du pays.
Des images rarement observées et une réalité plus complexe que ce que les médias de masse ont tendance à retranscrire, se focalisant plus sur l'évènement, comme le cambriolage d'un magasin par des hommes armés, que sur le quotidien de celles et ceux qui attendent, ensemble.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur