DAY WATCH
Le jour et la nuit
Après « Night Watch », « Day Watch » est le second opus d’une trilogie russe qui devrait prendre fin avec « Dusk Watch », encore à l’état préliminaire. Soit la nuit, le jour, puis, pour terminer, la poussière – tout un programme résumant à lui seul un scénario désuet et bourré de clichés, qui enchaîne les événements comme autant de grains de « poussière » grossièrement dissimulés sous un tapis d’apparat. Ce tapis, c’est l’esthétique outrancière choisie par le réalisateur, qui tente vainement de compenser la structure très marquée de son récit par une forme qu’il élève au sommet de l’ostentatoire et de la flagornerie. Car ce « Day Watch », dont l’esthétique reste dans la lignée du premier épisode, est un véritable film de courtisan, espérant sans doute flatter les plus bas instincts des producteurs hollywoodiens et de leur public habituel, en réutilisant à son compte les effets spéciaux, les techniques de montage et, de façon générale, la surenchère qui corrompt aujourd’hui une partie du cinéma américain populaire.
Si l’histoire de cet affrontement séculaire entre humains et vampires n’est pas mauvaise en soi – dans le film fantastique, ce n’est pas tant le récit qui compte que la manière de le mettre en scène – rien n’est fait pour lui donner du relief : personnages sans épaisseur, comédiens qui en font des tonnes et mise en scène qui puise sans réfléchir dans toutes les images de la culture moderne – télévision, publicité, clip – en se contentant de les mettre bout à bout, sans jamais produire de sens. On se rend bien compte que Timur Bekmambetov a vu plein de choses, mais on doute qu’il les ait comprises. Car c’est bien cela qui manque à « Day Watch », et qui faisait déjà défaut dans « Night Watch » : du sens, de la profondeur, quelque chose qui permettrait au film de sortir de son état de jolie carte postale moscovite.
Que « Day Watch » soit une tentative ratée, passe encore. L’audace du projet prouve au moins que le cinéma russe est bien vivant et que, à l’image des autres cinématographiques du monde, il est parcouru par autant de points de vue différents qu’il y a de cinéastes. Ca, c’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que Bekmambetov n’inscrit son film ni dans un genre ni dans une tradition, mais dans une « manière actuelle » de faire du cinéma, qui consisterait à assimiler toutes les formes culturelles et les techniques populaires en général, et américaines en particulier (en 2001, Timur s’est rendu à Los Angeles pour tourner « Arena », produit par Roger Corman), pour mieux les déverser à l’écran, dans un délirant fatras d’effets spéciaux destiné à contenter le moins exigent des publics. Ou comment mitrailler le spectateur de plans brefs et fatigants pour qu’il se pose le moins de questions possibles.
Le pire, dans tout ça, c’est que Bekmambetov se targue, lui, de faire de la qualité, contrairement à ces metteurs en scène de la « nouvelle vague » russe dont il affirme qu’ils « n’aiment pas leur public » (pense-t-il à Pavel Lounguine, dans la sortie récente de « L’île » en France s’accompagne d’une flopée de critiques enthousiastes ?). Je ne sais pas si les spectateurs français verront dans « Day Watch » une preuve d’amour, mais pour ma part, j’y trouve plutôt une preuve de dédain.
Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur