DAUGHTER'S DAUGHTER
Panser le passé et penser le futur
Taipei, hiver 2018. Aixia Jin est à l’hôpital pour s’être cassé le bras. Pour la première fois ses deux filles, Fan Zuer, en couple avec une femme, et sa demi-sœur Emma, vivant aux États-Unis, se rencontrent. Mais au printemps 2024, alors qu’elle va rendre visite à sa fille Fan Zuer, installée depuis à New York pour son processus de PMA, elle apprend de son ami Johnny, restaurateur, que celle-ci et sa compagne sont décédées dans un accident de la route, après avoir heurté un cerf. Se pose alors à elle, en tant qu’héritière, la question du devenir de l’embryon qui devait être implanté à Fan Zuer…
"Daughter's Daughter" est un drame poignant qui entraîne une mère dans un retour à New York, où elle avait abandonné sa première fille (Emma) à l’âge de 16 ans, avant de se marier à Taïwan et d’avoir une seconde fille (Fan Zuer). Un voyage qui au-delà de la question du deuil de cette deuxième fille qu’elle avait tant de mal à comprendre, va l’obliger à se confronter non seulement à son passé, puisque sa première fille vit encore ici, mais aussi a une forme d’avenir, la seconde laissant derrière elle et sa compagne un embryon prêt à être implanté, dont elle devient la « propriétaire » (gardienne légale). D’une approche administrative que d’aucun trouverait abrupte, laissant à Aixia Jin quatre options (la scène du rendez-vous, accompagnée de sa première fille, est particulièrement clinique et frontale), le récit bascule vers nombre de questions intimes qui tourmentent la mère.
Subtil et avare en effets dramatiques, "Daughter's Daughter" interroge ainsi de manière frontale sur la nature d’être vivant de l’embryon, traite par un simple plan sur la salle du douloureux enterrement, et symbolise un temps suspendu par des plans récurrents sur Aixia Jin, assise à manger derrière la vitrine de son Deli préféré. Au-delà, il questionne le personnage lui-même sur ce que c’est que d’être une « bonne mère », en la remettant en contact avec cette fille américaine qu’elle n’a que peu connue et dont elle ignore la vie actuelle. Traversé, à force de détails (une carte de bonne aventure, une vision subjective depuis l’urne…) par les notions de deuil et de destin, le film, doux amer est aussi émouvant que tourné vers la compréhension de l’autre, grâce notamment à son interprète principale, la formidable Sylvia Chang (vue notamment dans "Un grand voyage vers la nuit" et "Au-delà des montagnes").
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur