DARK SHADOWS
Tim Burton n’est plus !
Barnabas a tout pour lui. Issu d’une famille prospère, le jeune et séduisant garçon use de ses charmes pour séduire les habitants de la ville de Collinsport, nommée de la sorte en hommage à sa famille. Immensément riche et puissant en cette contrée, il va, malheureusement, faire l’erreur de repousser les avances de la démoniaque servante, Angélique Bouchard. Celle-ci, humiliée et heurtée, décide de se venger en condamnant le bellâtre à une sentence vampirique, le condamnant à souffrir pour l’éternité…
Durant son enfance, Tim Burton s’était épris d’une série télévisée à l’univers fantasmagorique, « Dark Shadows ». Propice à un rapprochement avec son univers gothique, cette adaptation devait être un hommage à ce show et un moyen d’explorer à nouveau les aspects de son cinéma qu’il avait su embrasser avec talent (le fantastique, le kitch, le conte surnaturel…). Pourtant, le constat n’est pas loin d’être alarmant : Tim Burton erre, comme un fantôme désespéré, moribond, sans aucune emprise sur ce long-métrage, le feu de sa mise en scène ne générant que quelques fugaces étincelles. L’histoire de cette famille était pourtant l’édifice idéal pour renouer avec ses qualités de cinéaste, reprenant une de ses trames traditionnelles : la méchanceté du monde face à des êtres marginaux.
La véritable déception du projet tient en l’incapacité du réalisateur à parvenir à allier comédie et épouvante, les scènes horrifiques étant parsemées au compte-goutte, ce qui ne sortira pas le spectateur de la léthargie à laquelle il avait succombé. Si certaines répliques sont à la hauteur des espoirs suscités, leur réussite tient principalement au talent d’acteur de Johnny Depp, celui-ci apparaissant comme le dernier rempart face au fiasco cinématographique. En effet, son personnage de Barnabas Collins parvient, en de brefs instants, à élever le niveau du métrage et à l’amener vers le panachage fantastico-humoristique qu’aurait dû être celui-ci, notamment grâce à quelques tirades dont la prose fait mouche. Néanmoins, même si l’humour va poindre du fait du décalage anachronique de la situation, ce dernier n’est que trop rarement visible à l’écran.
En se concentrant sur l’histoire d’amour fantasque entre les personnages de Depp et d’Eva Green, Tim Burton s’est privé de la force que laissait entrevoir la famille Collins. Complètements déjantés, ses membres étaient l’élan qui aurait pu transcender le film, lui rendre la fougue dont il manque cruellement. Pourtant, les pistes sont bien présentes, notamment dans le personnage de Carolyn, jeune adolescente aux allures de fille de joie lorsqu’elle se laisse transcender par la musique, et dans celui du docteur Julia Hoffman, douce ivrogne aux tenues fortement excentriques. Mais, en se refusant à développer la psychologie de cette maisonnée (certains membres du cercle Collins ayant un nombre de répliques se comptant sur une seule main), Tim Burton ne fait que survoler un aspect essentiel de l’histoire, tout comme son film. Ni comédie déjantée, ni drame fantastique, le spectateur se retrouve plongé au cœur d’un entre-deux mondes où rien n’est véritablement abouti. Il est alors, lui aussi, condamné, devant épier une histoire d’amour immortelle dans laquelle la redondance a remplacé l’ingéniosité, les discours s’éternisant considérablement.
Au final, ce soap-opéra n’a que peu de saveurs et si certains moments parviennent à faire naître quelques émotions, ces sursauts ne sont que trop faibles pour permettre la révolte attendue durant les presque deux heures de pellicule. On aurait aimé être ensorcelé par cette adaptation, mais malheureusement, Tim Burton semble être la véritable « dark shadow » de cette histoire, sa volonté ne suffisant plus à enivrer le spectateur, impression renforcée par le final qui apparaît comme un feu d’artifice dont la pluie a gâché la fête. Attention monsieur Burton, vous allez finir par nous énerver pour de bon !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE