Festival Que du feu 2024 encart

DALTON TRUMBO

Un film de Jay Roach

Vulgairement cinématographique. Profondément passionnant. Définitivement Bryan Cranston.

En pleine guerre froide, Hollywood se met en tête de chasser les communistes de son industrie. C’est ainsi que Dalton Trumbo, scénariste star, se retrouve mis au ban de la société. Mais après un séjour carcéral, l’homme va multiplier les collaborations artistiques sous différents pseudonymes, devenant l’un des scénaristes les plus prolifiques de l’époque…

Dalton qui ? Ne nous mentons pas, Dalton Trumbo était un sombre inconnu pour la plupart d’entre nous avant le lancement de ce projet. Pourtant, son histoire ainsi que celle de neuf autres acteurs, scénaristes et réalisateurs ont marqué Hollywood à tout jamais du sceau de la honte et de la stupidité. Nous sommes en 1947, la guerre froide éclate sur les cendres et les cadavres de la Seconde guerre mondiale. Dans la paranoïa de circonstance, l’industrie cinématographique américaine se persuade qu’elle est gangrénée par le communisme. McCarthy a déjà ses émules, et la « chasse aux sorcières » sera totale et absolue. Dix hommes vont néanmoins refuser de répondre aux questions primaires d’une vaste supercherie de tribunal érigée en institution sous le nom de « Commission des activités antiaméricaines ». Trumbo est l’un de ceux-là, l’un de ceux qui ont refusé de se soumettre à cette mascarade, au prix de leur liberté et bien souvent de leur carrière.

Bien que mis au ban de la société et échaudé par un arrêt à la case prison, Trumbo ne cessera jamais de travailler. Bien au contraire, usant de ruses et de pseudonymes, l’homme sera un des scénaristes les plus prolifiques de l’époque, raflant même deux Oscars durant cette période où son nom ne devait figurer que sur cette fameuse blacklist. Et c’est précisément à ces temps de clandestinité que ce biopic efficace - bien qu’un peu trop linéaire - s’intéresse le plus. Néanmoins, pour traiter ce sujet éminemment sérieux, le choix de Jay Roach à la réalisation pouvait laisser dubitatif, le cinéaste étant connu pour son travail sur les sagas "Austin Powers" et "Mon beau-père… " ainsi que pour avoir osé pondre le remake américain du "Dîner de cons", "The Dinner". Sauf que cette option va s’avérer être gagnante et audacieuse, le réalisateur amenant son sens de l’humour au récit. Fluide et ultra-rythmé, le métrage évolue alors presque comme une pure comédie, où la mise en scène se met entièrement au service de répliques aiguisées.

Célébration du bon mot, les différentes punchines de Dalton Trumbo émaillent une intrigue trop cantonnée à l’hagiographie de l’homme. Car si la dimension pédagogique et informative de l’œuvre est intéressante, elle ne suffit pas à combler le manque d’ambition cinématographique dont pâtit ce drame. Consensuel et convenu, le déroulement de l’intrigue se recouvre des différents stéréotypes propres à ce genre de films calibrés pour la course aux récompenses. Malgré tout, plusieurs lumières surgissent de cette monotonie ambiante : les comédiens. Des seconds rôles aux premiers, chacun apporte sa pierre à l’édifice au sommet duquel trône l’aura de Bryan Cranston. Celui dont les talents sont depuis longtemps reconnus et salués à la télévision décroche enfin un rôle lui permettant d’exprimer sa large palette d’émotions sur grand écran. Au-delà de l’histoire, il est l’atout principal de cette production qui aurait mérité de s’inspirer du génie de son protagoniste plutôt que d’essayer de le retranscrire. Aaron Sorkin, vous n’auriez pas envie de nous parler de Dalton Trumbo par hasard ? Parce que la matière pour un chef d’œuvre est bien là.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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