DADDIO
Deux interprètes formidables au service de dialogues troublants
Une jeune femme atterrit à JFK à New York un soir, après deux semaines passées avec sa demi-sœur en Oklahoma, dans sa petite ville d’origine. En sortant de l’aéroport, elle prend un taxi. Échangeant quelques textos hésitants avec son amant, elle accepte de discuter avec le chauffeur de taxi, qui entame la conversation…
Passé par la compétition du dernier Festival de Deauville, "Daddio" est un film tourné en temps réel, le temps d’un trajet nocturne en taxi entre l’aéroport et la ville de New York. L’originalité ne sera pas à chercher ici du côté de la mise en scène, limitée à l’habitacle de la voiture, comme dans le percutant "Locke" avec Tom Hardy, qui était construit sur le même principe, l’extérieur se limitant ici aux textos d’un amant bien pressé de retrouver sa belle, et particulièrement drivé par son appétit sexuel. Également centré sur des questions finalement morales (l’adultère, la confiance, l’engagement, l’emprise amoureuse…) le scénario déploie avec intelligence ses dialogues calculés pour mieux déstabiliser le spectateur lui-même.
Laissant planer le doute un temps sur les intentions du chauffeur (la course est d’abord filmée comme une accélération, à hauteur de roues, comme si la passagère s’embarquait pour quelque chose de dangereux…), étonnement généreux en compliments, le récit instaure progressivement un dialogue profond, fait de souvenirs et de confessions qu’on ne peut faire qu’à des inconnus, croisés comme là dans un moment suspendu, hors de la chronologie vitale de chacun. Dakota Johnson ("Sale temps à l'hôtel El Royale", "The Social Network") incarne ainsi, avec ce qu’il faut de retenue, une jeune femme en apparence sûre d’elle, mais en proie à de multiples doutes, tandis que Sean Penn prête voix aux fantômes d’un homme conscient de l’impact de ses choix, y compris sur son propre destin. Si certains (dont je fais partie) verront venir la conclusion dès les premières minutes du dialogue entre passagère et chauffeur, si la mise en scène reste des plus sages, "Daddio" mérite simplement le détour pour son duo d’interprètes et l’écho que pourra avoir leur conversation, quant aux regrets d’un homme qui se retourne sur son passé et aux aspirations d’une femme qui hésite quant à son avenir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur