COURAGE
Quand la liberté d’expression est étouffée
Interdits pour certains de jeu dans leur pays, la Biélorussie, les acteurs du « théâtre libre » de Minsk donnent des représentations dans le secret, critiquant au passage le régime autoritaire et ses dérives. Mais ils participent aussi aux manifestations pour une vraie démocratie…
Le documentaire s’ouvre sur des images de manifestations monstres et de répression. Des images qui reviendront régulièrement au fil du récit, tel un leitmotiv de la situation de blocage dans laquelle se trouve un pays où le dirigeant s’accroche au pouvoir, face à des manipulations électorales dont la population n’est plus dupe. Au travers des portraits d’acteurs interdits de jeu (le terme « liste noire » résonne comme d’un autre temps), poursuivant leurs répétitions avec un metteur en scène présent par Skype (leur pièce « Zone de silence » affirmant que 72 % des biélorusses ont des difficultés à définir la notion de démocratie), c’est un suivi des mouvements qui secouent le pays depuis les élections d’août 2020, confirmant au pouvoir Alexandre Loukachenko (déjà en poste depuis 1994) qui est détaillé.
Succède ainsi au constat initial un peu perplexe de certains progrès, comme l’existence d’isoloirs et d’urnes transparentes, la douche froide des résultats (alors que les dépouillements locaux constatés semblaient indiquer le contraire), est mise en avant avec le courage d’un peuple sortant spontanément dans la rue. Se joignant au mouvement, les artistes constatent l’oppression rampante, d’arrestations arbitraires en répression policière, puis militaire. Alternant ainsi images de manifestations pacifistes, scènes de fraternisations avec les soldats, et représentations théâtrales engagées, le côté obscure d’un régime totalitaire est mis en évidence à travers l’art : une femme ballonnée, des tortures simulées… Mais le rude constat est là, au-delà de l’élan, que les mots (« vas-t-en », « honte » au dirigeant, « vous avez prêté serment » aux soldats…) n’ont que bien peu de poids face aux armes et à la violence d’État. Un intéressant documentaire engagé et rendant hommages aux nombreux disparus comme aux courageux artistes.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur