COUP !
Une comédie noire très réussie
1918. Laissant derrière lui un homme une balle dans la tête, Floyd Monk tâche de tailler sa moustache pour ressembler au mieux à celui-ci et prendre son identité. Se faisant alors passer pour un cuisinier, il se rend sur une île et se présente à son nouvel employeur, Jay Horton, un journaliste critiquant ouvertement la politique gouvernementale face à l’explosion de la grippe espagnole. Mais une fois dans les lieux, il va tenir tête à la gouvernante quant aux règles que le personnel doit respecter…
Film de clôture des Giornate degli autori du Festival de Venise 2023, "Coup !" a été co-réalisé par Austin Stark ("Droit de vie et de mort" - "The God Committee" en anglais -, "The Runner" avec Nicolas Cage) et Joseph Schuman (dont c'est le premier long). Le film fonctionne sur le principe de l'attraction-répulsion autour de son personnage principal, que l'on sait dès le début être un usurpateur et dont les agissements sont vus d'un côté comme menaçant pour une famille soudée (les Horton), une intrusion dans la maison laissant supposer de desseins peu honnêtes, de l'autre côté comme libérateurs pour des domestiques exploités et soumis à de nombreuses règles qui marquent la différence de classes (logement dans une annexe peu équipée et éloignée, pas d'alcool, pas de viande à table car les maîtres sont végétariens...).
Posant dès le début la menace de l'arrivée de la grippe espagnole, à la fois par l'article rédigé par le journaliste, énoncé en voix-off et indiquant qu'elle a déjà fait plus de morts que la Guerre en Europe, et par un simple plan sur une charrette pleine de corps, au milieu desquels le personnage principal se débarrasse du mort du début, son ombre planera sur tout le récit, devenant même le facteur clé de quelques rebondissements. Car c'est à un petit jeu perturbateur que va se livrer l'homme (d’où le titre de "Coup !" qui signifie Coup d’État en français), dans ce monde bien réglé, éliminant ses opposants d'une manière ou d'une autre (notamment la vieille gouvernante qui veille au grain). En résulte une histoire au suspense grandissant, qui met face-à-face les mensonges de deux personnages, l'un bien placé et finissant par croire à ses propres arrangements avec la vérité, l'autre pauvre et imprévisible, mais en recherche d'une vie meilleure.
"Coup !" développe ainsi une réflexion ironique sur les règles de vie en société et celles que l'on se donne sous l'étendard des grandes idées progressistes, pour mieux souligner l'hypocrisie et la capacité des puissants à réécrire l'histoire. Usant de symboliques de l'arrivisme, qu'il s'agisse de la superbe piscine interdite au personnel ou des récurrents chaussons rouges qui passeront d'un plus puissant à l'autre, le film dissèque aussi la manière dont la désinformation et les rumeurs bien placées viennent semer le trouble dans le fonctionnement d'une micro-société. On s'amuse donc beaucoup du côté retorse du personnage de Peter Sarsgaard et de la lâcheté maladive de celui de Billy Magnussen ("Le Pont des Espions", "Into the Woods", "Damsels in Distress") dans cette comédie décrivant un parasitage en règle.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur