COULEURS DE L'INCENDIE
Une fresque familiale sur fond de crise de 29, entre histoire puissante et mise en scène inégale
Alors qu’elle est sur le point d’enterrer son père, Madeleine Péricourt voit son jeune fils Paul se jeter par la fenêtre devant le parterre d’invités rassemblés dans la cour de son hôtel particulier. Ayant survécu et désormais en fauteuil roulant, celui-ci hérite de 3 millions d’euros, aux dépens de son oncle Charles qui ne reçoit que 200 000 francs. Ayant héritée, elle, de la banque que possédait son père, Madeleine en laisse la gestion à Gustave Joubert, dont elle refuse au passage les avances. Rancunier, ce dernier conserve en secret la clé de son coffre fort, qu’il aurait dû lui remettre…
Adapté (par lui-même) du roman éponyme de Pierre Lemaitre, l’auteur de "Au revoir là-haut" (lui-même adapté au cinéma par Dupontel, avec le succès que l’on connaît), "Couleurs de l’incendie" est une grande fresque qui retrace l’histoire d’une mère et de son fils, manipulés par leur entourage, mais dont l’esprit de revanche et la malice feront le moteur d’un récit pourtant clairement teinté de drames. Car derrière l’arnaque, les rouages d’une potentielle vengeance, se cachent aussi des sujets plus sombres, comme les conséquences de la crise de 29, la montée du Nazisme, ou celui, plus intime, qui touche au personnage de Paul, le fils, rescapé de son suicide au début de l’histoire. Certains auront malheureusement compris de quoi il en retourne dès les premières scènes, d’autres, comme moi, s’interrogeront longtemps, oubliant presque le drame derrière la combattivité du personnage.
Car le gros atout du film réside certainement à la fois dans l’épaisseur de ses personnages et dans le casting retenu pour interpréter chacun d’entre eux. Benoit Poelvoorde joue avec justesse les éconduits aigris, Fanny Ardant excelle en cantatrice au dessein insoupçonné (livrant à la fin l’une des scènes les plus simples et intenses du film), Léa Drucker gagne en épaisseur au fil du récit, représentant une certaine perte d’innocence, et même Clovis Cornillac s’offre un joli rôle d’ancien chauffeur aux élans de petite frappe, pour lequel on sent à nouveau chez lui un réel plaisir de jouer. Si l’on met à part les envolées rapidement agaçantes de la nourrice polonaise et un Olivier Gourmet au rôle trop peu épais, affublé de deux filles particulièrement caricaturales, c’est presque là un sans faute. Reste la mise en scène, qui à l’image des deux parties qui constituent l’ouverture (un impressionnant plan séquence inspiré permettant d’embrasser à la fois l’ensemble des personnages clés et les lieux, et le ralenti lourdingue sur le saut du fils par la fenêtre) s’avère bien inégale selon les moments. Une telle histoire méritait sans doute un peu plus d’ampleur et d’inventivité, mais les moyens sont là et l'histoire fait mouche.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur