LES CONTES MERVEILLEUX PAR RAY HARRYHAUSEN
Les débuts d’un mythe et une sacrée Ray-ussite !
Versions animées de cinq contes sous forme de courts-métrages : Le petit chaperon rouge, Hansel et Gretel, Raiponce, Le roi Midas et Le lièvre et la tortue…
Découvrir le cinéma de Ray Harryhausen c’est retourner à une époque où les effets spéciaux étaient faits de manière artisanale. Avant le cinéma numérique et les images de synthèses, ils étaient conçus par des pionniers qui ont dû bricoler et rivaliser d’imagination et d’ingéniosité pour mettre au point des techniques qui font encore aujourd’hui l’admiration des plus grands professionnels. Mais au-delà de leur réussite technique, ces effets traditionnels conserveront toujours un charme particulier pour leur authenticité et leurs mystères de fabrication.
En 1992, Steven Spielberg réalise "Jurassic Park". Pour mettre en scène des dinosaures de façon réaliste il embauche Phil Tippett, qui sera chargé d’animer les dinosaures image par image lors des plans larges. Mais pendant la production, l’équipe d’ILM (la société d’effets spéciaux créée par Georges Lucas et mise au service de son ami Steven) a décidé de produire en douce une séquence d’animation numérique par ordinateur d’un dinosaure. Cette vidéo a ensuite été montrée au réalisateur qui a compris à ce moment-là que l’animation traditionnelle était morte et que les images de synthèses étaient (vraiment) nées. Tippett sera alors relégué à un rôle de superviseur des dinosaures et ILM produira des images spectaculaires qui feront du film un évènement planétaire.
Phil Tippett était le dernier grand maître de la stop-motion, système qu’il a modernisé pour tenter de la faire perdurer. Cette technique d’animation image par image, qui permet de donner vie à toute sorte de créatures continue d’être employée aujourd’hui par de grands artistes comme Wes Anderson. Le premier maître de la technique fut Willis O’Brien qui la fit entrer au panthéon grâce au "Monde perdu" en 1925 et à surtout à "King Kong" en 1933. Il transmit son art à celui qui fut son assistant et qui deviendra le deuxième maître de la technique : Ray Harryhausen. Parmi ces trois personnalités exceptionnelles qui ont contribué à façonner quelques-unes des plus belles pages de l’histoire des effets spéciaux, Harryhausen se distingue particulièrement pour avoir créé tout un univers fantastique. Si Tippett et O’Brien ont tous deux collaboré avec d’immenses réalisateurs qui leur ont offert des possibilités uniques pour exercer leur savoir-faire, Ray lui n’a jamais travaillé pour de très grands cinéastes. Mais il a pu contrôler en sous-main les productions auxquelles il collaborait en tant que producteur, scénariste et responsable des effets visuels. C’est ainsi qu’il a pu mettre en place toute une galerie de créatures devenues mythiques : le cyclope du "Septième voyage de Sinbad", le colosse Talos de "Jason et les Argonautes", les dinosaures d’ "Un million d’années avant J.C.", ou encore le Kraken et la gorgone Méduse du "Choc des titans".
Si cette riche carrière a fait l’objet de la reconnaissance cinéphile qu’elle méritait, en revanche ses premiers travaux sont tombés dans l’oubli. C’est dans les années 40 qu’il débute en travaillant pour la télévision. Il commence par la série "Les Puppetoons" de George Pal, puis il réalisera lui-même cinq épisodes de la série "Mother Goose Stories" tournés entre 1949 et 1953. Ce sont ces derniers qui ont été restaurés pour être présentés en salle cette année. Le dernier segment, "Le lièvre et la tortue", n’ayant pas pu être terminé par Harryhausen lui-même, il a été repris par les animateurs Mark Caballero et Seamus Walch qui ont achevé l’animation en utilisant les éléments d’origine auxquels ils ont eu accès.
Ces cinq films sont de véritables petites merveilles. Dès le début, "Le petit chaperon rouge" nous met dans l’ambiance. L’animation est admirable de fluidité. Tout un petit monde est recréé dans lequel chaque détail compte. Des incrustations d’images sont utilisées pour simuler la présence d’éléments naturels (l’eau, et le feu) de façon réaliste, les arrière-plans agrandissent les décors en leur donnant un aspect féerique, des fondus enchaînés concentrés sur la zone des visages, permettent de renforcer leur réactions. Tout un ensemble de techniques méticuleuses qui sont servies par un choix de couleurs, de costumes et de décors qui rendent ces scènes presque aussi vivantes qu’un film de Disney.
On peut également y déceler des éléments de la future filmographie du technicien avec par exemple la présence d’une sorcière dont l’apparence peut rappeler le personnage de Méduse. En revanche on peut constater que le contenu des contes a été très édulcoré étant donné que ces épisodes étaient directement destinés à des enfants. On peut aussi se questionner sur la pertinence de leur diffusion dans le cadre d’une séance de cinéma classique. En effet les séquences sont très courtes et peu nombreuses, il aurait donc été judicieux de les accompagner d’un documentaire revenant sur leur restauration et sur la carrière de leur créateur, ou bien d’épisodes des "Puppettoons. Mais malgré cela, il faut saisir cette occasion de découvrir les premiers trésors d’un grand magicien, qui constituent l’introduction d’une œuvre absolument unique.
David ChappatEnvoyer un message au rédacteur