CONNASSE, PRINCESSE DES COEURS
God save the Bitch !
Camilla, 30 ans, Connasse née, se rend compte qu’elle n’a pas la vie qu’elle mérite et décide que le seul destin à sa hauteur est celui d’une altesse royale. Elle part donc en Angleterre dans le but d’épouser le prince Harry. Un voyage qui ne va pas être de tout repos…
Camille va mal. Elle se sent promise à un destin royal et exceptionnel, et ne rêve alors que de luxe. Mais pas facile de s’enrichir quand elle s’aperçoit qu’hériter d’un proche qui ne réside pas encore au cimetière ne se fait pas sur un claquement de doigts. Il lui faut donc épouser un homme riche pour y parvenir. Un people ? Non, s’il tombe gravement malade, elle devra lui acheter elle-même ses médicaments. Un sportif ? Non, s’il fait trop d’exercice pendant la journée, il va sentir mauvais à cause de la transpiration. Un banquier ? Non, s’il finit en taule pour fraude, elle s’attristera de le voir couvert de muqueuses sur un anus déjà bien abîmé. Une seule solution : choper une tête couronnée afin de devenir princesse, et comme le « Duc de Bern » lui souffle le prince Harry comme meilleur choix, inutile de réfléchir davantage… À ce stade, on en est seulement à vingt minutes de film, et on hallucine déjà de voir à quel point l’irrésistible Camille Cottin a ouvert encore plus grand les vannes de son âme fêlée. Mais jusqu’où ira-t-elle ?
Égocentrique en diable, agressive à s’en péter les maxillaires, hilarante à se rouler en nem sur la moquette, emmerdeuse sans gêne qui fonce tête baissée tout en restant la plus naturelle possible : l’interprète de la « Connasse » de Canal+ continue d’en imposer sévère dans le happening sado-maso. Le passage sur grand écran s’imposait de lui-même pour faire passer la miss Cottin au niveau supérieur. Mission accomplie : si la pastille de Canal+ était une vraie réussite, le film est carrément un cran au-dessus. Et comme la France a déjà fait les frais des exactions de cette tornade comique force 5 (aujourd’hui, tout le monde – ou presque – la reconnaît dans la rue), c’est au tour des fournisseurs de sauce à la menthe d’engloutir le Menu Maxi Best Of de la mesquinerie la plus inouïe, amenée si loin qu’ils en viendront très vite à recracher leur porridge par les narines. Le résultat ? Un "Borat" sans chromosome Y qui a toutes les chances de vous étirer les zygomatiques façon stretching.
Déjà créatrices de la série, Eloïse Lang et Noémie Saglio ont surtout eu l’intelligence de ne pas reproduire stricto sensu la même recette et de proposer un vrai film, certes dépossédé de la moindre fibre cinématographique – ne pas s’attendre à des plans-séquences ou à des mouvements de grues – mais d’une hilarité à toute épreuve. Ceux qui s’alarmaient de la difficulté à adapter le concept d’origine au format cinéma peuvent donc être rassurés. Le concept de caméra cachée – ici assumé de A à Z – s’y révèle même plus maîtrisé en raison d’une actrice qui improvise ses dialogues en fonction des indications soufflées par les deux réalisatrices dans son oreillette (le générique de fin est quasiment un making-of du film). De cette manière, au travers d’un film plus scénarisé et organisé dans sa structure narrative, le film répare aisément le petit travers de la série, à savoir une juxtaposition en trois minutes chrono de petites répliques mesquines, déconnectées les unes des autres en dépit d’un décor ciblé qui héritait à lui tout seul du rôle de fil directeur. Ce sont ici l’énergie et le rythme du montage, évidemment branché à 100% sur le tempérament volcanique et imprévisible de Cottin, qui vont faire toute la différence.
La bonne idée aura été d’installer la Connasse (« comtesse de Paris intra-muros ») dans un univers plus ou moins aux antipodes du mode de vie parisien : la belle s’expatrie en Angleterre pour se vautrer dans le luxe dont elle rêve depuis toujours, mais se confronte à un cadre à la fois très proche et très éloigné du sien. Et comme toujours, son idiotie totale la pousse aux pires réinterprétations. Car, oui, on en apprend beaucoup dans ce film : en gros, que fréquenter des enfants ou des vieux est pire que de serrer la main à un lépreux, qu’il faut s’asseoir comme une bonne sœur pour être correcte à table, qu’il faut s’enlaidir et se fringuer comme une clocharde pour faire british, qu’un look de bimbo à la Zahia permet de passer incognito dans la foule, qu’il n’est pas normal que les Anglais ne s’épilent pas étant donné qu’ils aiment les buissons et le jardinage, que Cara Delevigne ressemble au cochon de George Clooney, qu’il suffit d’avoir Jay-Z et Beyoncé sur une photo de groupe pour montrer qu’on a des amis noirs, qu’un disque de Chimène Badi est très utile pour torturer les perdants d’une partie de paintball, que le pénis des Chinois est aussi gros qu’une saucisse cocktail, on en passe et des meilleures… Même OSS 117 n’allait pas aussi loin dans l’idiotie la plus édifiante, c’est dire !
On déguste donc sévère d’un bout à l’autre de cette intrigue prétexte à laisser Cottin se lâcher comme une folle, le film n’ayant aucune prétention si ce n’est celle de faire rire et d’amener un personnage aussi ignoble à « évoluer » de la pire des façons. Lang et Saglio vont même jusqu’à pousser parfois leur héroïne à échanger sa bêtise contre un machiavélisme pur et dur. Il faut la voir se faire passer pour une réalisatrice engagée contre les animaux maltraités (avec « Kechiche » comme nom de famille !), en train de filmer une sosie de Cressida Bonas – la petite amie du prince Harry – qui donne des coups de pied à un chien royal ! Prière donc d’avoir les côtes bien accrochées tout au long de cette visite de Londres en compagnie d’une cinglée dont les actions se voient même accompagnées par une bande originale très gratinée (dont Philippe Katerine qui chante : « Je suis la reine d'Angleterre et je vous chie à la raie ! »). On sort de la salle avec une seule envie : retrouver cette connasse multitâches dans une suite le plus tôt possible. Encore !
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur