CONCRETE COWBOY
Trouver la lumière malgré les obstacles
Cole est un ado vivant à Detroit avec sa mère. Après un énième dérapage violent dans son école, cette dernière l’envoie à Philadelphie pour qu’il passe l’été chez son père, Harp, qu’il connaît à peine. Petit à petit, Cole découvre la passion de Harp : les chevaux…
Sortie le 2 avril 2021 sur Netflix
Avec son premier long métrage, Ricky Staub parvient à proposer un style personnel tout en puisant dans des influences très variées. Ainsi, "Concrete Cowboy" est à la croisée du western, du film de banlieue, du drame social, de l’œuvre militante et du teen movie de type récit d’apprentissage. À cela, s’ajoute la récurrente thématique équine et plus largement celle de la rencontre humain/animal. Les scénarios utilisant ce ressort dramaturgique produisent régulièrement des résultats gnangnans, avec des morales à deux sous. Il n’en est rien ici, puisque "Concrete Cowboy" s’avère bien plus profond et parvient à s’éloigner des clichées à chaque fois qu’il semble s’en approcher.
Ainsi, la rencontre entre le jeune Cole et le cheval Boo est filmée avec un mélange inédit de douceur et de brutalité, le temps d’un long plan serré dans l’obscurité qui se focalise sur les deux regards. Par ailleurs, les codes du western ne sont repris que pour les exploiter subtilement dans le cadre d’un drame urbain contemporain, et le thème du trafic de drogue reste quant à lui surtout en arrière-plan, par petites touches, donnant également lieu à des séquences qui parviennent à renouveler le traitement du règlement de comptes ou de la course-poursuite. De manière encore plus inattendue, avec la scène de course de chevaux et le discours de Harp sur la « famille », "Concrete Cowboy" parvient à faire deux clins d’œil étonnamment bien pensés à "Fast and Furious" ! On sent donc un véritable amour du cinéma sous toutes ses formes, mais le film ne se contente heureusement pas d’une simple recherche formelle, d’autant que le style reste sans esbroufe.
Adapté d’un roman paru en 2011 sous le titre "Ghetto Cowboy" et inspiré d’une situation réelle, "Concrete Cowboy" résonne explicitement (mais sans lourdeur) avec la volonté actuelle des Afro-Américains de s’emparer de leur Histoire et de retrouver fierté et dignité. Notons quand même que, si le casting est afro-américain quasiment à 100% et si les producteurs le sont en partie (Idris Elba et Lee Daniels), le réalisateur et son co-scénariste ne le sont pas – ce qui n’empêche certainement pas ce long métrage de s’inscrire dans une démarche progressiste et humaniste, n’en déplaise aux esprits diviseurs voyant de l’appropriation culturelle partout. Ainsi, on a par exemple droit à une fabuleuse discussion où les personnages dénoncent le whitewashing en réhabilitant le rôle des Noirs dans l’Histoire du Far West et notamment en les réinscrivant dans le mythe du cowboy, ou encore une scène bouleversante durant laquelle Harp explique à son fils que c’est lui qui a choisi son prénom en référence John Coltrane, tout en clamant son admiration pour cette légende du jazz dont il joue un vinyle au même moment.
Pour servir ce récit riche, le casting mêle habilement interprètes expérimentés (Idriss Elba, Lorraine Toussaint, Clifford « Method Man » Smith), figures montantes (Caleb McLaughlin, Jharrel Jerome) et acteurs non professionnels reprenant quasiment leur propre rôle (c’est ce que l’on comprend grâce au générique de fin). Malgré quelques légers coups de mou par-ci par-là, "Concrete Cowboy" est un magnifique plaidoyer pour la nécessité de trouver épanouissement et dignité malgré les obstacles, que soit à l’échelle individuelle (la possibilité d’une seconde chance après avoir commis tant d’erreurs) ou à l’échelle collective (le combat de la communauté afro-américaine pour une société plus égalitaire, celui du club d’équitation urbaine de Fletcher Street face aux pressions des investisseurs immobiliers).
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur