COMPLÈTEMENT CRAMÉ
Retour d’un élan vital
Quatre mois après avoir perdu sa femme, Andrew Blake, entrepreneur britannique à succès, décide, au lieu de se rendre à une cérémonie où on doit lui remettre un prix, de retourner dans le bed and breakfast où ils s’étaient rencontrés, en France. Mais le château de Madame Beauvillier ne fait plus chambre d’hôtes depuis longtemps, activité qu’elle aimerait pouvoir relancer face à ses difficultés financières. En arrivant, la femme de chambre le prend alors pour un homme venu pour son annonce de majordome, un poste qui serait nécessaire à la réouverture. Expliquant sa situation et son besoin de rester vivre quelque temps sur place, il accepte de jouer les majordomes pour une supposée période d’essai…
Même si on se doute rapidement, à la manière d’introduire chacun des personnages secondaires, que l’arrivée de cet Anglais aussi flegmatique qu’ironique, va raviver en ces lieux figés dans le temps et en chacun, une étincelle de vie désormais bien enfouie, on ne boudera pas notre petit plaisir face à cette comédie qui sied parfaitement à cette saison automnale. Car entre la cuisinière coincée et autoritaire (Émilie Dequenne), l’intendant-jardinier bourru un peu ermite (Philippe Bas), le jeune femme de chambres plantée par son lâche de mec (Eugénie Anselin, vue dans "Deux") et la maîtresse de maison (Fanny Ardant, parfaite pour ce rôle), veuve depuis plusieurs années, mais parlant toujours à son mari au travers d’un valet de chambre supportant ses vêtements, il est d’emblée évident que tous ont des choses à régler ou à dépasser, pour parvenir à s’épanouir à nouveau.
Il faut dire que le superbe château et ses jardins, dans lequel se déroule l’intrigue (le film a été tourné dans le domaine de Bois Cornillé à Val-d’Izé, entre Vitré et Rennes) semble particulièrement figé dans le temps, et on regrette presque que ses nombreuses pièces et ses alentours n’aient pas été plus exploités. Tiré du roman éponyme de 2012, "Complètement Cramé" s’amuse à jouer avec les mots, passant d’erreurs plus ou moins amusantes de la part du personnage principal dans son usage des expressions françaises, à un sympathique échange sur les différences de celles-ci dans les deux langues, finalement aussi curieuse l’un que l’autre.
John Malkobitch s’applique à parler français tout au long du métrage, toujours amoureux, comme son ami anglais, d’une femme française, son personnage jouant autant les perturbateurs que les anges gardiens vis à vis des autres. Si le mélange de vaudeville et de comédie de mœurs qui en résulte semble par moments un peu vieillot, c’est sans doute que le petit monde qu’il va gentiment bousculer apparaît comme figé dans un confort ouaté, et surtout que le film traite de la capacité de chacun à rebondir, quel que soit son âge (il y a ici en quelques sortes trois générations). On en ressort avec un peu de baume au cœur, malgré quelques ressorts très théâtraux, qu’on oubliera vite.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur