COMME UN AVION
Ce n’est pas l’homme qui prend le ruisseau, c’est le ruisseau qui prend l’homme !
Depuis sa plus tendre enfance, Michel rêve d’évasion. Passionné d’aviation, il est fasciné par les grands noms de l’aéropostale qui parcoururent le monde depuis le ciel. Or à 50 ans passés, les seuls océans qu’il traverse sont les vagues numériques de son économiseur d’écran. Cloitré dans le box noir d’un open space, Michel déprime jusqu’au jour où, en jouant à chercher des palindromes avec ses collègues, le mot « kayak » provoque en lui l’étincelle de l’aventure en solitaire.
Pour mener à bien cet éloge du bien-être introspectif, Bruno Podalydès s’est naturellement attribué le premier rôle en reléguant, une fois n’est pas coutume, son frère Denis à son seul rôle de frère. Néanmoins, ce plaisir solitaire est loin d’être nombriliste tant il laisse libre cours à sa fantaisie si communicative. Incapable de raconter une histoire sans jouer des hasards de la vie, le réalisateur fait évoluer son héros aux aléas du courant et, par conséquent, des rencontres. Marin d’eau douce, ce dernier s’aperçoit très vite que la solitude n’a rien de bon et que l’auberge où il échoue dès le premier soir, lui ouvre des horizons autrement plus charmants que celui de survivre seul entre les roseaux.
En détachant petit à petit son personnage de ses carcans professionnel et familial, Bruno Podalydès multiplie les situations insolites et cocasses qui, filmées par lui, émoustillent vos zygomatiques d’un bout à l’autre du film. Son humour si naturel et original conjugue à merveille burlesque potache et finesse d’esprit. Ses seconds rôles merveilleusement interprétés par un casting alléchant, sont hauts en couleurs et jouent avec délectation des scènes génialement absurdes en déclamant des répliques qui font mouche.
Loin de tomber dans la parodie grossière, le film se nourrit au contraire d’une réelle poésie qui souligne avec légèreté les émotions les plus simples. Pour preuve, Michel ne veut pas changer de vie car il aime sa femme et vice versa. D’ailleurs chacun l’exprime très bien avec ses mots de tous les jours. L’homme s’offre cette parenthèse uniquement pour lui et non contre les autres. Un instant privilégié, qui comme le film n’offre que du bonheur. À vous de vous laisser porter par le courant.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur