COLDWATER
Un film envoûtant et implacable malgré son scénario simpliste
Si Vincent Grashaw réalise ici son premier film, il s’est déjà fait un nom en produisant l’excellent "Bellflower", petite pépite ultra-léchée qui voyait deux amis construire une voiture lance-flammes à l’approche d’une pseudo-apocalypse. Dans "Coldwater", on retrouve cette image esthétisée et cet incroyable travail sur la photographie, mais l’onirisme laisse la place à une violence abrupte terrifiante. Dans ce monde sombre, les jeunes ont perdu leurs illusions, le rêve américain n’est plus, et les parents usés abandonnent leur progéniture. Brad est un jeune délinquant, plus petite frappe que gros caïd, mais pour le remettre dans le droit chemin, ses parents l’envoient à Coldwater, « enfer pour mineurs » comme le précise le sous-titre du film.
Là-bas, pas question d’aider les adolescents en douceur, on préfère les humilier et leur casser les jambes pour leur faire appendre leurs leçons. L’image crépusculaire contraste alors avec la noirceur des êtres qui parcourent ce métrage. Film coup-de-poing, "Coldwater" nous coupe le souffle, nous étouffe par la brutalité et la bestialité du milieu carcéral. Car entre deux giclées de sang, ce thriller très bien documenté nous interroge sur le renoncement parental, l’agissement de la société face à des ados dont elle ne veut pas, heurtant notre sensibilité et frappant notre moral.
Malheureusement, le film pêche beaucoup plus lorsqu’il s’éloigne de son approche documentariste pour nous conter le destin de ces adolescents. Entre flashbacks démagogues et maladroits, et situations manichéennes, le scénario atténue la dénonciation de ce visage mal connu de l’Amérique. Mais face à ces défauts, les comédiens répondent de la plus des belles manières en nous offrant une prestation parfaite. Transpirant d’énergie et de charisme, P.J. Boudousqué est une grande révélation, et pas seulement pour sa ressemblance troublante avec Ryan Gosling.
Si de nombreuses séquences impressionnent, le métrage éprouve les plus grandes difficultés à maintenir le rythme sans tomber dans une certaine forme de complaisance vis-à-vis de la cruauté décriée. En usant de clichés et d’une trop forte dose de pathos, Vincent Grashaw se fourvoie complètement, son film n’étant jamais aussi percutant que lorsqu’il se déleste de ces artifices. Néanmoins, s’il est loin d’être parfait, "Coldwater" est une expérience qui ne s’oublie pas si facilement, une immersion totale dans un monde ultra-testostéroné où l’homme n’est plus qu’animal.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur