THE COFFIN IN THE MOUNTAIN
1 cercueil, 2 disparitions, 3 morts, plusieurs possibilités
Les premiers plans mystérieux du film instaurent d'emblée le désarroi du spectateur, incapable de reconstituer un fil conducteur. Le film se déploie alors pour éclairer progressivement l'énigmatique prologue, aussi furtif que mystérieux et propice à toutes les interprétations. On suit ainsi 3 histoires, a priori sans lien, pour finir par apprendre qu'un homme est mort calciné. Oui, mais qui ? Tout va s'organiser désormais autour de la découverte de ce corps calciné, dont il s'agit d'attribuer l'identité, et éventuellement d'identifier le possible meurtrier.
Passée une bonne demi-heure où le spectateur, après avoir surmonté plusieurs moments de désarroi, demeure perplexe à vainement chercher à comprendre ce qui se passe à l'écran, le puzzle s'organise progressivement et laisse place à une meilleur compréhension des événements, éclairant d'un jour nouveau ces scènes étranges ou coupées brutalement qui longtemps entraînèrent le spectateur sur de fausses pistes.
Film à la structure narrative complexe, basée sur un scénario brillant et implacable, organisé autour de plusieurs histoires qui s'entrecroisent, « The Coffin in the moutain » parle de destin et de choix, avec un arrière-fond moral (tuer ou ne pas tuer). Non-dénué d'humour macabre, il est tellement désorientant que même certains personnages finissent par ne plus rien y comprendre, contribuant à créer une forme d'alliance ironique entre le personnage et les spectateurs. Le film est tout bonnement inracontable. D'abord parce que ce serait gâcher la principale source de plaisir du spectateur que de livrer trop de clefs explicatives. Ensuite, car il faut bien admettre qu'il est difficile d'en saisir tous les aspects et nuances.
Chacun des personnages projette sur le cadavre ses propres désirs ou craintes, en tirant parti des détails qu'il sélectionne, allant dans le sens qu'il souhaite ou redoute. Cet exercice peut conduire à changer l'identité du cadavre, voire même déboucher à la disparition de la matérialité même de celui-ci. La réalité est donc complexe à saisir. Il est aisé (et tentant) de céder au plausible, a fortiori quand ce plausible épouse ses espoirs ou ses craintes les plus intimes, et de ce fait, conduit à les valider et leur donner corps. Chacun croit être le meurtrier donc le responsable de la situation, mais tous cherchent à s'en dédouaner et à refiler le problème (le cadavre mais aussi, symboliquement, la culpabilité) à un autre. Dès lors, tout le monde est coupable même si tous n'ont pas tué ce cadavre qui, par moment, devient si évanescent qu'il en perd sa réalité !
Le film constitue ainsi une sorte de parabole sur l'opacité du réel qui résiste à toutes vérités (trop) définitives : le réel n'offre que l'incertitude et la capacité à se raconter des histoires pour tenter de lui donner forme et sens. Passée cette première demi-heure franchement déstabilisante, le film déploie ses virtuosités scénaristiques pour récompenser le spectateur patient et endurant. Il lui aura fallu reconstituer morceau par morceau ce qui s'est, vraiment- (ou pas) -peut-être – passé. Régulièrement, il aura recomposé, à force de nouveaux efforts, la narration des événements au gré des nombreux retours en arrière qui ponctuent le film comme autant de boucles de rétroaction livrant les mêmes scènes, selon un nouveau point de vue singulier, qui éclaire d'un jour nouveau ce que nous avions cru comprendre.
Le film fait ainsi irrésistiblement penser à « Rashomon » de Kurosawa. S'il n'en a pas la même virtuosité formelle, il offre une écriture scénaristique particulièrement aboutie et inventive. En prime, on découvre en Chine un rapport beaucoup plus décomplexé et prosaïque à la mort qu'en Occident, sous couvert d'une comédie macabre prenant la forme d'une enquête policière.
Nicolas Le GrandEnvoyer un message au rédacteur