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COEUR DE BRONZE

Un film de Bryan Buckley

Un film irrévérencieux sur la gym : pas pour les enfants !

Hope Greggory est une ancienne gymnaste de haut niveau, médaillée de bronze aux Jeux olympiques. Depuis la blessure qui a mis un terme à sa carrière sportive, elle n’a jamais réussi à passer à autre chose et ne fait rien de sa vie, vivant avec son père dans son Ohio natal. Une opportunité va alors lui permettre de gagner un demi-million de dollars, mais elle doit pour cela entraîner une nouvelle étoile montante de la gym américaine, originaire de la même ville qu’elle. Mais elle a peur que sa notoriété locale soit éclipsée au profit de la jeune Maggie…

Cœur de bronze film movie

Sortie le 1 juillet 2021 sur Netflix

La gymnastique artistique féminine a ceci de particulier qu’elle est pratiquée à un très jeune âge : au haut niveau comme en amateur, la plupart arrêtent ce sport peu après la vingtaine voire avant (la longévité étant plus grande côté masculin). Ceci a une conséquence importante à l’écran : quand elle devient une thématique cinématographique ou télévisuelle, cette discipline est généralement exploitée pour une cible très jeune, ce qui donne souvent lieu à des productions peu ambitieuses et fréquemment médiocres (comme "Graine de championne", "Full Out" ou "Raising the Bar").

C’est la raison pour laquelle "Cœur de bronze" (projeté à Sundance en 2015, sorti en 2016 aux États-Unis et enfin distribué en France !) est une exception notable, le contenu et le ton n’étant clairement pas adaptés pour les plus jeunes. Il ne faut d’ailleurs que quelques minutes pour s’en rendre compte : après une introduction classique présentant le passé de l’héroïne à base d’ellipses, fausses archives et autres voix off, cette ancienne gloire de la gymnastique est montrée en train de se masturber tout en regardant un enregistrement de la compétition qui l’a rendue célèbre, avant de broyer un cachet pour le sniffer ! Le ton est donné : c’est irrévérencieux et insolent. Plus tard, on a notamment le droit à une des séquences de sexe les plus hallucinantes et les plus acrobatiques de l’histoire du cinéma !

Melissa Rauch, connue notamment pour la série "The Big Bang Theory", a coécrit le scénario du film avec son mari et interprète le personnage principal qui, sous ses abords vulgaires, avec son langage provocateur et sans filtre, permet à "Cœur de bronze" d’être bien plus qu’une simple comédie trash et politiquement incorrecte. Le film se montre en effet étonnamment pertinent dans sa façon d’aborder les difficultés que traversent les anciennes gloires du sport, particulièrement lorsque des blessures ont stoppé net leur carrière de haut niveau. Ainsi, le personnage de Hope Greggory est vénéré pour avoir surpassé sa douleur afin d’offrir une médaille de bronze olympique à son pays en 2004 malgré une fracture en plein mouvement de poutre, mais sa carrière s’est arrêtée là, brutalement et il y a longtemps. On ne pourra évidemment pas s’empêcher de penser qu’elle s’inspire partiellement (et très librement) du cas célèbre de Kerri Strug, qui s’était élancée en saut de cheval avec une cheville brisée pour remporter le titre olympique par équipes des Jeux de 1996 (les deux ont aussi en commun des coachs issus de l’Europe de l’Est, celui de Strug étant alors Béla Károlyi, célèbre entraîneur de Nadia Comaneci).

Hope est donc une figure de déchéance ayant accumulé les traumatismes et les désillusions (on apprend aussi que sa mère est morte alors qu’elle n’avait même pas six mois) et ne parvenant pas à se relever psychologiquement et socialement. Elle ressasse ainsi son passé glorieux et ses rêves brisés, tombant dans une auto-vénération pour ne pas admettre ses souffrances (sa chambre est un mausolée nostalgique dédié à sa propre gloire). Elle développe aussi un mélange de pudeur et d’agressivité qui la pousse à ne pas dévoiler ses sentiments, refusant notamment toute forme de reconnaissance explicite envers son père pourtant perpétuellement dévoué, et se construisant une carapace de fausse arrogance à mi-chemin entre la misanthropie et le comportement immature d’éternelle ado.

Si l’on retrouve en partie certains stéréotypes de la comédie dramatique (avec des enjeux de rédemption, de renaissance ou d’altruisme), mais aussi un peu ceux de la comédie romantique, "Cœur de bronze" propose un bel équilibre entre toutes ses composantes, s’avérant certes divertissant mais également plus profond qu’attendu. Avec une Melissa Rauch rappeuse pour conclure le tout durant le générique.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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