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CITOYEN D'HONNEUR

Une comédie formidable de cynisme

Prix Nobel de littérature il y a cinq ans, Daniel Mantovani a une haute idée de sa vocation. Il n'avait d'ailleurs pas hésité à déclarer alors, que ce prix était un signe du déclin d'un artiste, signifiant que ce qu'il écrit coïncide avec le goût de tous. Passant en revue avec son agent la liste des demandes de conférences ou lectures dont il fait l'objet, il décide de se rendre incognito dans son village de Salas, en Argentine, qui lui rend hommage durant une semaine...

Le réalisateur argentin de "L'homme d'à côté (El hombre de al lado)" nous a concocté une nouvelle comédie, au cynisme réjouissant, traitant à la fois de la réussite et du rapport aux racines. Ayant valu à l'excellent Oscar Martínez ("Les nouveaux sauvages", "Paulina") le prix d'interprétation masculine au Festival de Venise 2016, ce voyage en amnésie, forçant un cinquantenaire à faire face à son passé et à certaines responsabilités de figure public ou d'homme privé, est un régal de drôlerie et de finesse d'écriture.

Empreint à la fois de cynisme, de générosité et de tendresse, "Citoyen d'honneur" n'épargne au final pas plus son héros que les autres personnages, de la gentille ringardise des célébrations sans grands moyens (le défilé sur le camion de pompiers en compagnie de la miss locale, le concours de peinture, l'inauguration d'une statue pas vraiment ressemblante...), jusqu'aux véritables rancœurs passées ou aux jalousies d'artistes ratés. Pointant avec bienveillance le ridicule d'un amateurisme qui se rêve d'une autre dimension, le scénario offre de vrais moments de comédie (l'interview à la télévision locale, les cadeaux de bienvenue...) en faisant progressivement, de l'apparente convivialité une menace.

Là où le film trouve une justesse particulière, c'est à la fois dans la peinture des conséquences de la célébrité sur le microcosme local et dans le rapport contradictoire entre souvenir des lieux ou personnes, et évolutions personnelles. N'éludant pas le côté forcément égocentrisme de l'auteur, le scénario construit habilement un parallèle entre certaines attitudes et un passé dictatorial, rappelant au passage que l'ignorance est le pire des terreaux. Une comédie réjouissante, portée par un acteur formidable, qui devrait sans nul doute illuminer vos semaines de cette fin d'hiver.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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