CIRCLE
Quand "Cube" rencontre "Le Maillon faible" !
Cinquante personnes sortent d’un état inconscient et se retrouvent debout dans une salle sombre, chacune au centre d’un cercle lumineux. Rapidement, ils comprennent que quitter leur cercle provoque leur mort immédiate, puis que certains sont électrocutés de façon régulière même s’ils restent immobiles. Que faire pour s’en sortir ? C’est alors que l’un d’entre eux comprend l’horrible fonctionnement du piège dans lequel ils sont enfermés : sans s’en rendre compte, l’ensemble du groupe désigne la prochaine victime en « votant » à travers leurs gestes…
Sortie sur Netflix le 17 mai 2016
Dans ce décor sombre digne d’un jeu télé de type "Le Maillon faible", on est d’abord sceptique, d’une part à propos de la crédibilité des premières réactions des protagonistes (est-ce vraiment possible de se réveiller debout et de ne pas chercher immédiatement à bouger ?), d’autre part sur le risque de mise en scène statique et répétitive. Mais rapidement, aucun répit n’est laissé aux personnages comme aux spectateurs. Il est évident que "Circle" s’inscrit comme un héritier du cultissime "Cube" : même angoisse des personnages face à une situation inexpliquée dans un huis clos énigmatique et suffocant.
Ce film n’atteint pas son modèle : la crainte de l’immobilisme se vérifie en partie, les personnages ne sont pas aussi charismatiques que ceux de Vicenzo Natali (certains sont même bien trop caricaturaux !), les explications ou hypothèses émises par les protagonistes ne sont pas toujours convaincantes, et la dernière scène n’apporte strictement rien alors qu’une fin en suspens (comme celle de "Cube") aurait été amplement préférable pour prolonger nos tourments au-delà du générique. Heureusement, on parvient quand même à mordre à l’hameçon, car la tension est palpable et on ne peut s’empêcher de se demander ce que l’on ferait dans une telle situation, un peu comme dans un épisode de la série dystopique "Black Mirror".
Ainsi, tout (ou presque) passe dans des sortes de joutes verbales, sous la menace permanente de l'inévitable régularité des mises à mort. Les arguments fusent pour élaborer des tactiques afin de trouver des solutions ou de gagner du temps. Et au fil des échanges, transparaissent les failles de l’âme humaine, un peu à la manière des expériences de Milgram ou de Stanford, qui ont déjà inspiré pas mal d’œuvres (dont le très bon film allemand "L’Expérience" ou encore l’excellent roman d’Amélie Nothomb "Acide sulfurique"). Ici, des hommes et des femmes sont contraints, pour survivre, de faire des alliances et de choisir qui sacrifier à leur place. Finalement tout est prétexte à interroger nos valeurs et nos travers, notre courage ou notre lâcheté, notre éthique ou notre cynisme… Le manichéisme en prend un bon coup et les spectateurs sont alors confrontés à leurs propres pensées (parfois avec effroi) à partir du moment où un jeune homme suggère de voter d’abord pour les plus âgés afin de gagner du temps pour réfléchir aux solutions pour s’en sortir. La boîte de Pandore est alors ouverte : certaines vies ont-elles plus de valeurs que d’autres ? Quid du mantra « les femmes et les enfants d’abord » ? Doit-on prendre en compte les origines, les préférences sexuelles, ou l’utilité comparée des métiers de chacun ? Même si l’on tombe ça et là dans la morale un peu facile, l’ensemble est plutôt flippant et vertigineux !
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur