CHRISTOPHE... DÉFINITIVEMENT
Flou de toi
Mars 2022. Le chanteur Christophe prépare son retour sur scène après presque trois décennies d’absence. La caméra des deux réalisateurs privilégiés capte alors tout de cette préparation, des instants de répétition aux réflexions sur la scénographie, en passant par les confessions du chanteur dans son appartement home-studio…
Deux scènes à retenir (ou plutôt à sauver). D’abord un pré-générique énigmatique durant lequel le chanteur des Paradis perdus se met à citer des titres de longs-métrages de cinéma (il y a du Godard, du Cronenberg, du Kubrick, du Vigo et même du Despentes !). Ensuite une première apparition de la silhouette complète du chanteur sous une forme assez fascinante : de par les choix photographiques adoptés par les deux réalisateurs, le floutage et le taux de luminosité transforment sa silhouette en halo lumineux dans une quasi-obscurité, juste avant que la lumière de la pièce ne repasse à la normale et que le chanteur soit enfin à visage découvert. Deux instants où le cinéma est convoqué autant par son passé – on est déjà au parfum de l’extraordinaire cinéphilie de Christophe – que par sa faculté à iconiser autrui par les outils de trituration de l’image. Une jolie double entrée en matière qui, hélas, n’aura pas de suite. Trop patchwork pour donner l’impression d’un travail réfléchi, trop focalisé sur du vague (dont la parole, ici inintelligible les trois quarts du temps) pour avoir l’air de creuser quoi que ce soit, trop bordélique pour s’imposer en apnée symbolique dans l’âme et l’aura d’un artiste atypique (ce fut au moins le cas avec le récent docu sur David Bowie, aussi limité fût-t-il dans ses prétentions psychédéliques), ce documentaire conçu à quatre mains rate à peu près tous ses objectifs.
Pas de quoi amplifier l’image déjà très excentrique et ô combien évanescente d’un artiste musical tel que Christophe, ce qui laissera les néophytes en état de perplexité avancée et les fans dans une relative frustration. Pas de quoi espérer fouiller la pensée et l’énergie du bonhomme, tant celui-ci – et ce n’est pas une surprise – n’en finit pas d’enchaîner les hésitations et les phrases déconstruites à la vitesse d’un supersonique. Tant et si bien qu’il est impossible de suivre le fond de sa pensée quand on ne s’interroge pas carrément sur le sens de ce qu’il vient de prononcer. Côté chansons, les répétitions ne donnent rien à manger, se contentant de quelques essais de micro et d’instruments, avant de pouvoir savourer quelques beaux morceaux en fin de métrage qui n’offrent aucune valeur ajoutée par rapport à la simple écoute d’un disque compact. L’abus trop récurrent d’images floutées et de montage ralenti à six images/seconde achève de nous donner l’impression d’assister à une démo pseudo-documentaire, torchée à l’aveugle en vue d’un quelconque bonus DVD – c’est triste de s’être limité à cela. Le vrai film commémoratif sur Christophe, lui, reste encore à faire.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur