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CHILD OF GOD

Un film de James Franco

Trop naturaliste, mais avec l'impressionnant Scott Haze

Un jeune homme peu équilibré est éjecté de la propriété de son père alors que celle-ci est mise en vente par la communauté. Il part alors, baluchon sur l'épaule, et s'installe dans une maison abandonnée, opérant ainsi un retour à la nature...

2013 fut décidément l'année du passage aux choses sérieuses pour James Franco en tant que réalisateur. Après avoir montré au Festival de Berlin son premier long ("Interior. Leather Bar.", documentaire expérimental sur une scène non montée de "Cruising" de William Friedkin), puis présenté un film de fiction sur le deuil à Cannes, adapté de William Faulkner ("As I Lay Dying"), il a enchaîné avec le Festival de Venise, qui accueillait en compétition son adaptation du roman de Cormac McCarthy (auteur notamment de "La Route") : "Child of God".

Il disposait là de la matière pour un grand drame sur la persécution et la mise au banc de la société, avec le portrait d'un adulte ayant « perdu son équilibre » après le suicide de son père et le départ de sa mère. Accompagné par la voix-off de quelqu'un qui l'a connu, le récit s'attarde longuement sur le comportement violent du jeune homme qu'interprète Scott Haze, décrivant son oscillation entre regard de fou lorsqu'il se confronte à un monde hostile et air candide lorsque des relents d'enfance resurgissent au travers de feux d'artifices ou de diverses peluches qu'il affectionne. Vraisemblablement fasciné par les exclus et les marginaux, Franco, qui en a interprété quelques uns (dans "Maladies" ou "Howl"), les met aujourd'hui au cœur de ses films, s'aventurant avec eux aux confins de la folie.

Malheureusement l'acteur américain semble bien plus intéressé par la ou les pathologies de son personnage que par l'homme en lui-même, décrivant sa solitude, sa folie, son isolement, d'une manière naturaliste qui n'entraîne que très peu l'empathie (voir les gros plans sur son regard inquiétant, ou sur de longs filets de morves qui s'échappent ponctuellement de son nez...). Préférant n'évoquer que ponctuellement ses contacts avec l'humanité (un shérif qui le condamne d'avance, des voisins peu conciliants et plutôt pressés de récupérer les terres de sa famille, une pute revancharde qui l'accuse de viol...), le réalisateur s'attarde sur ses pulsions primaires (une branlette peu discrète, le toucher du sein d'une femme presque morte...), et ses tentatives pour recréer une vie normale (la simulation du couple...). Mené par sa paranoïa aux confins de la folie, empreint d'une colère profonde, le personnage nous entraîne dans son sillon, fascinant le réalisateur-interprète, sans pour autant convaincre le spectateur, qui reste étranger à toute cette agitation. Dommage.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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