CHIEN DE LA CASSE
La naissance du mythe Raphaël Quenard
Dog et Mirales sont amis depuis de nombreuses années, passant leurs journées à traîner dans leur petit village du Sud de la France. Mais lorsqu’une jeune fille débarque pour l’été, leur amitié va se retrouver ébranlée…
Montpeyroux, 347 habitants. Le Pouget, 2007 résidents. 18 kilomètres séparent ces deux villages de l’Hérault. A priori, rien ne prédestinait ces communes à figurer dans une critique cinématographique. Et pourtant, c’est là que Jean-Baptiste Durand, originaire de la première bourgade, a décidé de figer l’intrigue de son génial premier long-métrage, à quelques minutes de son enfance. Dans cette France rurale désertée, il s’intéresse à une amitié que seules les longues journées passées à zoner sur un banc peuvent forger. Depuis qu’il est arrivé de la ville, Mirales a trouvé un frère en la personne de Dog. Devenus de jeunes adultes, leur quotidien n’a pas véritablement changé, rythmé par les après-midis canapé et les excursions en voiture sans destination. Lorsque la jolie Elsa débarque pour l’été, leur équilibre va se retrouver bousculé, comme si quelque chose d’immuable venait de briser leurs habitudes.
Écartant rapidement la piste du triangle amoureux, "Chien de la casse" est une œuvre fascinante sur la jeunesse péri-urbaine, celle qui n’a d’autres choix que de traîner dans des rues vides, où les volets sont fermés et les commerces depuis longtemps disparus. Dans cet endroit où l’ennui guette, les autres vont occuper une place essentielle de nos vies, à la fois épaules sur qui se reposer et camarades de conneries. Dans le microcosme recréé de Jean-Baptiste Durand, c’est bien Antoine dit Mirales qui domine, qui s’impose comme le chef, avec sa grande gueule et ses barrettes de shit sous le manteau. Mais rien n’est manichéen, le personnage étant loin d’être un looser mais une simple âme égarée, paumée dans une monotonie où ses talents culinaires ne semblent lui promettre aucun avenir, encore moins son amour des mots et de la poésie. Alors, on s’amuse à chambrer les autres, à dépasser les limites, à développer des relations toxiques.
Et ce sont précisément ces relations humaines dysfonctionnelles que va décortiquer avec brio le néo-réalisateur, créant un cadre et une mise en scène où les comédiens vont pouvoir pleinement s’exprimer. Si on connaissait déjà l’immense talent d’Anthony Bajon, Raphaël Quenard, après avoir excellé dans les seconds rôles, se révèle enfin au premier plan, livrant une prestation électrique. Son énergie permet au métrage de naviguer entre humour et émotion, entre le soleil de Pagnol et une noirceur intime bien plus profonde. Car face à nous, c’est bien une tragédie qui se joue, celle d’un homme incapable de contrôler ses émotions, où les illusions perdues l’invitent à se perdre inlassablement dans cette ville qu’il sait être sa tombe. Pour un premier essai, Jean-Baptiste Durand réussit un véritable tour de force, se faisant immédiatement un nom dans notre paysage hexagonal. To be continued…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur