CHERCHER LE GARÇON
La dérision sans se poser de questions
Bien qu’ancrée dans les mœurs françaises depuis des années, la recherche de l’âme sœur sur internet est rarement traitée au cinéma, servant plus de déclencheur humoristique ou d’élément contextuel d’une époque contemporaine que de ressort scénaristique central. Avec ce premier film, Dorothée Sebbagh aborde frontalement le sujet en racontant les six mois de quête amoureuse d’Émilie sur le net. De cette héroïne on ne sait pas grand chose : juste son âge et sa profession, rien sur son passé amoureux. Sa sensibilité et sa personnalité se révèlent certes au fil de ses rencontres, pour autant on ne tombe à aucun moment dans le portrait psychologique ou la peinture sociale. Ce parti-pris surprend d’abord, puis très vite enchante : « Chercher le garçon » est juste un film léger, sans prétention, qui s’efforce de distraire en passant en revue des rencontres plus saugrenues les unes que les autres.
Du « queutard » au romantique éthéré, du super-timide au passionné de bonobos, en passant par l’amateur de bondage nourrissant d’étranges fantasmes à base de playmobiles, les prétendants d’Émilie sont savoureux. On frise la caricature, et en même temps pas tellement : ceux et surtout celles qui ont déjà pratiqué reconnaîtront sans mal certaines personnes déjà rencontrées… Tantôt plantée là en attente d’un rendez-vous, tantôt cherchant du regard l’homme qu’elle doit retrouver, Émilie est présente à chaque plan, mue par un mélange de stress et d’énergie positive. Bien sûr rien de graveleux n’arrive, et quand déception il y a, c’est toujours à travers le ridicule, un ridicule qui ne tue pas. En témoigne l’irrésistible scène où Émilie attend son potentiel amoureux sous un soleil de plomb, des cornets de glace à la main, souriant à tout va pour être prête au moment où il arrivera.
La mise en scène est un peu systématique, la chute prévisible et le message sur les sites de rencontre assez convenu (rien ne vaut une vraie rencontre, faite par hasard), mais qu’importe. « Chercher le garçon » fait partie de ces films pleins de charme et de personnalité, qui se voient avec plaisir. Aucun risque de déprimer ou de s’apitoyer sur les mésaventures de l’héroïne ! D’autant que Sophie Cattani, actrice discrète habituée aux petits rôles (« Tomboy », « Polisse », « Une petite zone de turbulence »…), rayonne littéralement sur le film. Par sa fraîcheur et sa malice, elle transforme la gêne en bravoure, la gaucherie en humour. Une actrice en or, qui n’est pas sans rappeler Marina Foïs ou Valérie Donzelli à leurs débuts, et que l’on a hâte de revoir en haut de l’affiche.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur