CHÂTEAU ROUGE

Le documentaire en milieu scolaire a toujours été une tradition française. Des références "Être et avoir" et "Entre les Murs", en passant par le plus international "Sur Le Chemin De L'école", jusqu’aux récents "Allons Enfants" et "L’École est finie", les cinéastes hexagonaux semblent particulièrement apprécier ce lieu où se dessine le futur de nos bambins. Alors qu’elle s’était précédemment intéressée à l’identité masculine et aux questions de la virilité à notre époque avec "Les Charbons ardents", Hélène Milano a elle aussi décidé de poser sa caméra dans un établissement de formation, suite logique de son travail qui se concentre depuis plusieurs années sur l’exploration des tourments adolescents.

Collège Georges Clémenceau, quartier de la Goutte d’Or à Paris, des ados sont face à l’une de leurs premières décisions importantes : leur orientation professionnelle. Mais ici, nous ne sommes pas dans les coins chics de la capitale, dans ces écoles prestigieuses où l’avenir semble déjà tout tracé. Au contraire, dans cette institution cosmopolite où toutes les cultures se mélangent, les jeunes doivent aussi bien affronter leurs propres doutes qu’un système de plus en plus violent, qui a tendance à les enfermer dans des cases et à les abandonner dès qu’ils voudraient arpenter des chemins moins conventionnels. Entre moments de vie et interventions face caméra, le film capture avec bienveillance et émotion toute la détresse que peuvent ressentir certains face à ces portes qu’on leur rabâche trop souvent comme étant fermées.

Entre naïveté juvénile et résignation tristement précoce, "Château rouge" donne la parole à ces gamins qui veulent résister tout en mettant en lumière le travail des adultes qui se démènent pour faire exister les valeurs de l’éducation telles qu’on devrait les célébrer, en commençant par l’égalité des chances. Si le métrage souffre d’un manque d’originalité dans sa forme, avec des tentatives pas toujours réussies pour s’éloigner de son fil conducteur (les séquences de danse notamment), le message n’en demeure pas moins toujours d’actualité. En invitant les protagonistes à s’exprimer eux-mêmes, le documentaire bénéficie d’une énergie touchante, d’une véracité qu’aucune fiction n’aurait pu tutoyer sur l’épineux sujet de l’émancipation sociale, et livre un message d’espoir nécessaire : non, notre système n’est pas complètement pourri. Car certains continuent à se battre pour offrir le meilleur aux nouvelles générations. À défaut d’un grand film, un bel hommage à ce corps enseignant.