CHARTER
Un saisissant dilemme porté par une actrice remarquable
En Suède, Alice, divorcée, est en attente du verdict sur le droit de garde de ses enfants. Une nuit, ellereçoit un coupe de téléphone de son fils, visiblement angoissé. Elle décide alors de se rendre au domicile de son mari, mais celui-ci lui en interdit violemment l’accès. S’installant à proximité dans un mobile home, elle ne peut voir sa fille Elina et son fils Vincent, que chez ses beaux parents, sous la surveillance du mari. Persuadée que quelque chose ne tourne pas rond, elle décide de les emmener en douce aux îles Canaries…
En entretenant tout au long du récit, une ambiguïté quant à la nature potentiellement retorse ou violente du mari (Sverrir Gudnason, vu dans "Falling" et "Borg McEnroe", impeccable), "Charter" dessine le portrait en profondeur, d’une femme tiraillée entre sa décision de quitter son mari, son désir de voir ses enfants et de les protéger, et sa peur d’une nouvelle vie, seule. Faisant contraster à merveille les étendues enneigées de la Suède, au ciel chargé et bas, et la luminosité des cotes de Tenerife, le film dessine une ouverture dans les relation entre une mère et des enfants se sentant délaissés et réagissant différemment face à la séparation de leurs parents.
Entre l’obsession de la mère, qui souhaite donner le choix aux enfants, et préoccupations plus basiques et spontanées de ces derniers, la maladresse est mise à jour, au travers du jeu de la formidable Ane Dahl Torp. Amenant progressivement le profond dilemme de son personnage, "Charter" creuse un sillon sensible jusqu’à sa conclusion, déchirante. Un film en permanence sur le fil du rasoir, à l’image de son personnage central, entre complicité désirée avec ses enfants et complexité d’une séparation. Une bouleversante vision de la lucidité à avoir pour pouvoir tourner la page, face à l’incertitude de l’avenir signé Amanda Kernell ("Sami, une jeunesse en Laponie"). A voir absolument.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur