CHARLOTTE
Une histoire marquante, qui aurait mérité une animation plus originale
1933. Avec la montée du nazisme en Allemagne, les grands parents de Charlotte Salomon décident de partir pour Rome. Peu de temps après, ils sont accueillis par une riche new-yorkaise, Madame Moore, dans sa villa de la Cote d’Azur. Charlotte, elle, restée au pays, obtient en 1936 une place à l’Académie des beaux-arts. Elle a une liaison avec un écrivain marié, qui lui propose d’illustrer son livre. Son père Albert, médecin, emmené par les nazis, revient quelque temps après du camp de Sachsenhausen, amaigri. Ses parents décident alors d’envoyer Charlotte auprès de ses grands parents dans le sud de la France…
Après une première au Festival de Toronto en 2021, le film d’animation "Charlotte" est passé par la compétition du Festival d'Annecy 2022, où il a généré une émotion certaine. Dédié au parcours de l’artiste juive allemande Charlotte Salomon (1917 - 1943), le film est officiellement inspiré de l’ensemble de plus de mille peintures connu sous le titre "Vie ? ou Théâtre ?", qu’elle aurait peint dans l’urgence, peu avant sa déportation. Le film s'ouvre d'ailleurs sur son personnage, confiant une valise pleine de ces dessins, ceci avant de revenir sur ses années d’études contrariées par les puissances nazies et son exil dans le sud de la France, où elle alla rejoindre ses grands parents, réfugiés chez une riche américaine.
Du point de vue de l'animation, le film est une vraie déception, s’avérant beaucoup trop sage, d’autant plus que sa protagoniste est peintre, et ne s'inspirant que de manière anecdotique et ponctuelle de l’œuvre de celle-ci. Ainsi, avec des personnages aux traits de contour sombres et aplats de couleur sans grand relief, seuls les principes d'absence de la couleur noire (comme dans l’œuvre de l'artiste), tout comme sa faible utilisation du relief, sont respectés. Ce n’est que dans certaines transitions, lorsque certains tableaux se constituent progressivement sous nos yeux (un sur les persécutions, un autre avec des formes d’anges, un trois sur des femmes qui peignent...), qu’une magie semble s’initier, retombant de suite dans la foulée, et que l'on reconnaît un peu la marque de fabrique du studio qui nous amena le chef d’œuvre pictural et romanesque "La Passion Van Gogh".
Heureusement, l'histoire contée ici est profondément marquante, dressant le dramatique portrait d’une famille disloquée et hantée par la mort. La reconstitution des lieux à partir de photos, utilisées aussi pour mieux coller au physique des personnages, est sans doute à saluer, mais ce sont avant tout leurs parcours qui captivent. De la vie à Nice au recensement des juifs, de malheurs surmontés (le suicide semble être un démon qui rode autour des femmes de la famille…) en petits bonheurs amoureux, on suit donc le destin tragique de Charlotte plus qu’on apprend réellement des choses sur son œuvre. Un récit bouleversant où les questions de transmission et d’indépendance se posent, et qui se conclut, les yeux embués, par un adéquat hors champs, puis sur des images d’archives montrant des interviews de ses parents et de la fameuse femme américaine qui aida sa famille.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur