CHARLIE SAYS
Une passionnante approche de Charles Manson au travers des portraits de trois de ses ouailles
Deux filles et un homme se trouvent dans une maison. L’une nettoie du sang, l’autre jette un sac. Trois ans et demi plus tard, on retrouve trois filles en prison : Katie, Lulu et Sadie. Ce sont les Manson girls, et elles font bloc, soumises à leur gourou, Charles Manson, dont elles croient toujours qu’il leur voulait du bien. Mais l’arrivée d’une étudiante sensée leur donner des cours, pourrait bien faire bouger les choses…
En faisant le choix d’un dispositif simple, alternant les scènes d'entretien entre les trois prisonnières et une éducatrice, et les souvenirs de vie commune avec Charles Manson, la réalisatrice Mary Harron parvient non seulement à analyser en profondeur leur dépendance, mais aussi à dresser en creux le portrait du grand manipulateur lui-même. Au fil des scènes, son scénario met ainsi à mal l'image idyllique du camp hippie (on découvre rapidement le fameux ranch délabré...), dévoilant les techniques de formatage (alternance d'humiliation et de joie, d'autorité et de récompense...), la domination machiste exercée sur la femme, l'utilisation du sexe comme facteur de pouvoir et comme permanent élément de réconciliation.
Assez passionnant sur le fond, le film doit beaucoup à son casting, avant tout féminin, avec notamment Hannah Murray (vue dans "Games of thrones") interprète de la nouvelle venue Leslie alias Lulu, et Merritt Wever dans le rôle, plus subtil, de l’éducatrice. A l’image de cette dernière, le spectateur se retrouve en permanence dans la position d'observateur, d'abord interrogatif, puis incrédule, avant d'être tout bonnement effaré, face au fonctionnement du groupe et à ses agissements. Quant à la figure de Charles Manson elle-même, le choix de Matt Smith (l'un des "Doctor Who"), son mélange de visage charmeur, de belles paroles et de regard habité donne au personnage toute l'ambiguïté qui lui est nécessaire.
Loin de l’aspect ultra-esthétisé de son "American Psycho", Mary Harron ("The moth diaries") qui s’est intéressé à bien d’autres sujets qu’à des serial-killer depuis, notamment au travers des séries télé qu’elle a mises en scènes ("Six Feet Under", "Oz", "Homicide", "The Nine", "Constantine") réussit ici un film captivant, que certains trouveront peut-être trop illustratif, mais dont la logique implacable fait froid dans le dos.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur