LA CHAMBRE INTERDITE
Une bizarrerie réjouissante, bourrée d'aventures
« La chambre interdite » est une expérience multiforme, à la fois dans la manière dont le film a été tourné, mais aussi dans les différentes extensions qui s'offrent au spectateur, sur le web. Souhait faire revivre des films inaboutis ou détruits par la production, l'auteur nous livre un patchwork d'histoires, imbriquées les unes dans les autres, à la manières de « rêves » ou de récits de personnages d'apparence secondaires. Véritable étonnement de chaque instant, ce long métrage est en fait la résultante d'un étrange processus artistique proposé par l'auteur de « The saddest music in the world » et « Des trous dans la tête », impliquant le Centre Georges Pompidou de Paris et le Centre Phi de Montréal.
Dans chacun de ces lieux, il a proposé à des acteurs, de se retrouver pour une journée de tournage débutant par une séance de spiritisme invoquant le film disparu, et supposant amener les acteurs en transe à jouer devant une équipe filmant et jouant sur les lumières. Sont ainsi nés 29 courts-métrages qui s'imbriquent avec fluidité dans cette grande histoire, livrant cet étrange long-métrage, aux allures nostalgiques des films d'aventures des débuts du cinéma parlant. Sur le web, les spectateurs curieux peuvent, en choisissant quelques éléments (un mot, un son, une image...), se voir proposée une séance spécifique, où s'imbriquent diverses histoires.
Tourné en numérique, l'aspect vieilli du film est dû à la saturation de certaines couleurs de l'image et à la multiplication des accrocs dans la « pellicule ». Les amateurs des vieux King Kong, ou autres films d'aventures exotiques ou fantastiques, trouveront donc ici leur compte, à condition d'accepter le principe d'interruption soudaine de certaines histoires. La présentation des nouveaux personnages (et des acteurs concernés), et les univers musicaux et visuels bien identifiables, sont assez utile pour ne pas se perdre.
N'hésitant pas à jouer l'anachronisme (la chanson new age sur l'obsession du « derrière ») ou l'absurde (les deux frères asiatiques joués par un caucasien et un latino...), ou l'humour souvent sexué (la visite dans le bassin d'une radiographie de squelette, le phonogramme qui remplace le père mort, la manière de dormir « ensemble » dans la grotte, les absurdes défis lancés...), Guy Maddin réussit à surprendre à chaque histoire. Qu'il s'agisse du « rêve de la moustache », de l'histoire des offrandes à Vulcan, du conte romantique sur les os réparés puis recassés, ou d'Aswang, le vampire de la jungle, « La chambre interdite » s'avère autant un plaisir complexe pour les yeux, qu'un délice pour l'esprit aventureux.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur