C‘EST TOUT POUR MOI
Imparfait mais sincère, énergique et touchant
Lila grandit avec son père et sa sœur dans une cité près de Bruxelles. A l’âge de 11 ans, elle se tourne très vite vers la danse hip-hop qui la fascine elle et sa sœur. Avec ses copines, elles montent un groupe pour montrer de quoi les filles sont capables, malgré le désaccord de son père. Dix ans plus tard, son rêve est de partir à Paris pour percer dans la danse. Pour se faire, elle choisit de mentir à son père qui découvre vite le subterfuge…
Au regard de l’affiche calibrée du stéréotype de la comédie française « djeunz » avec une tête d’affiche du Jamel Comedy Club, il est probable que beaucoup partiront avec des a priori. Il n’y a qu’à observer la polémique faisant rage sur Twitter où beaucoup d’internautes s’interrogent sur la note exceptionnelle des spectateurs sur le site Allociné. Pourtant, après visionnage du film, il faut reconnaître que Nawell Madani et son acolyte Ludovic Colbeau-Justin, co-réalisateur de ce premier long métrage assez personnel pour la comédienne, ont accouché d’un film plaisant sachant balancer entre humour corrosif et moments mélos bien dosés.
L’humoriste révélée en 2012 par le Jamel Comedy Club y raconte l’histoire de sa conquête de la scène, certes de manière romancée, mais estampillée par son énergie débordante et son apparente sincérité. Si l’on regrettera certainement quelques facilités scénaristiques comme le segment de l’arnaque et du passage en prison paraissant très édulcoré, le reste fait mouche et donne une autre vision de l’univers du stand-up, surtout pour les femmes dont les tentatives de vulgarités ne sont jamais acceptées au même niveau que celles des hommes. Evoluer dans un milieu très masculin n’est jamais facile mais la comédienne et réalisatrice n’hésite pas non plus à remettre un petit tacle à propos du vol des vannes aux stand-uppers américains.
Même s’il ne parvient que trop rarement à l’égaler, "C’est tout pour moi" rappelle "Tout ce qui brille" dans sa narration du désir d’ascension et d’émancipation de son milieu social. Malgré ce que l’on aurait pu penser, le duo a su éviter la caricature pour donner vraiment corps aux personnages et en particulier à celui du père, remarquablement interprété par un véritable chauffeur de taxi. Nawell Madani de son côté a su aussi adapter son énergie débordante pour livrer une interprétation convaincante de son alter-égo Lila. Même si le casting ne livre pas des prestations tout à fait égales (on sent bien que Berléand a beaucoup plus d’expérience que certains), ce défaut est bien rattrapé par l’écriture dont certaines répliques sont bien caractérisées par la plume de Nawell Madani. Les aficionados de l’humoriste seront à coup sûr conquis.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur