CENTAURE
Une jolie fable sur le crépuscule de traditions ancestrales
Dans un village du Kirghizistan, une nuit, un cheval de valeur est dérobé à un riche propriétaire. Rapidement les soupçons se portent sur Centaure, voleur de père en fils, même si celui-ci semble s’être rangé depuis qu’il a eu un fils…
Portrait d'un voleur de chevaux plus malin que les autres et hanté par le passé de son peuple, "Centaure" (du surnom de ce héros hors du commun) est autant une histoire de traditions qu’une très jolie peinture familiale. Usant d’une double parabole, entre une femme muette (et faisant face à une potentielle liaison de son mari) et un fils qui refuse pour l'instant de parler (et dépositaire futur des traditions), le film nous emmène sur les traces d'un peuple au passé glorieux, les Kirghizes, confronté à la modernisation de la société et à une occidentalisation galopante.
Fortement dépaysant, le film s'ancre quelque part entre légèreté et gravité lorsqu'il aborde les questions d'adultère et de vol, jouant du côté clownesque de certains personnages ou situations. Ici les tablettes côtoient les rites religieux musulmans et les conseils de village. De beaux plans zénithaux traduisent la proximité (la plupart des moments d'intimité dans la yourte familiale...), alors qu’un simple travelling arrière avec soleil couchant trahit la tentation d’un ailleurs, omniprésente. Dans tous les cas, l’émotion est palpable, autour de ce personnage digne et noble, de père qui porte en lui un idéal de fusion entre l’homme et la bête.
Ce portrait que nous propose Aktan Arym Kubat ("Le Fils adoptif", "Le Voleur de lumière"…), est avant tout d’une grande tendresse, dans la complicité qu’il dessine entre un père et son fils. Malgré le mutisme de ce dernier, quelques gestes rituels ou une étreinte appuyée suffisent à faire ressentir leur connexion, d’une solidité qui se construit peu à peu. En miroir, celle avec la femme s’étiole, la jalousie s’incarnant dans une passion extérieure et moderne (le cinéma indien), alors que le salut devrait passer, quant à lui, par la tradition religieuse (l’islam). Une jolie histoire d’assimilation d’une peuplade autrefois libre, et de lutte pour des traditions qui ont bien du mal à persister.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur