CE NOUVEL AN QUI N'EST JAMAIS ARRIVÉ
Avant la chute, la peur comme quotidien
Quatre jours avant Noël 1989, un metteur en scène de la télévision nationale roumaine, doit trouver une actrice pour tourner à nouveau une partie hommage à Ceausescu qui sera diffusé pour la veillée du nouvel an, l’actrice principale ayant été mise en cause par le régime. Florina, en pleines répétitions de théâtre, est alors contactée, pour un tournage des le lendemain…
Peut-on refuser quelque chose à ceux qui sont à la botte des dictateurs en place ? C’est la question qui va traverser cette fiction historique dont l’action se situe quelques jours avant la fuite du couple Ceausescu, mêlant les destins de plusieurs personnages impactés par le fonctionnement d’un pays alors autoritaire. Il y a d’un côté Florina, actrice convoquée pour remplacer celle qui doit être effacée sur l’image des vœux, et dont le texte imposé, plein de louanges pour le dirigeant en place, brûlent les lèvres à l’avance. Il y a aussi un jeune homme qui prévoit de fuir à l’ouest avec des amis dans une voiture pas vraiment en état pour cela. Il y a également une vieille dame rousse installée dans un appartement qui va être détruit. Il y a également le fils de celle-ci, qui tente de trouver des solutions pour ceux qui l’entourent. Chacun subit de plein fouet la politique, le fonctionnement du régime et l’usure économique, et se dirige vers la dépression, l’espoir, le désespoir ou les éternels arrangements.
Véritable cocotte minute, le personnage de l’actrice est sans doute le plus intéressant. Les menaces qu’elle doit proférer au début du film afin d’obtenir de la pharmacienne qu’elle lui donne du Valium (on touche ici du doigt, dans une scène assez drôle, aux pénuries mais aussi aux détournements qui allaient avec) ne sont que les prémices d’une rébellion hésitante, qui l’amènera à traiter le réalisateur de « sans colonne vertébrale » (équivalent de lâche face au pouvoir) et à s’en prendre à sa propre santé. Entraînant progressivement tout ce petit monde dans une spirale macabre, sur fond de manifestations réprimées, Bogdan Mureşanu fait monter la tension par un montage alternant entre les personnages et l’apparition en arrière fond sonore d’un Boléro qui prend peu à peu le dessus. "The New Year That Never Came" est un film qui revient ainsi avec efficacité sur les rouages des régimes communistes (écoutes, surveillances même en milieu scolaire, dénonciations, spoliations, aveux forcés, pénuries, muselage de l'expression individuelle...) et qui a reçu le Prix du meilleur film Orizzonti et le Prix de la critique internationale FIPRESCI Orizzonti au Festival de Venise 2024.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur