CASSHERN
Une histoire qui cache(rn) bien son jeu …
Une fois les premières images révélées, il est inutile de se le cacher : Casshern est avant tout une curiosité. Premier film de Kazuaki Kiriya, c’est à un cocktail impressionnant d’infographie, de prises de vues réelles, de filtres en tout genre et d’effets esthétiques alambiqués que nous assistons. Autrement dit, si pour vous Sin City est un film visuellement surprenant, vous risquez fort de vous retrouver déboussolé devant un tel déluge graphique. Un déluge qui pourrait virer à l’indigestion, si l’introduction du film ne se révèlait assez efficace, voire un brin classique, pour agripper le spectateur dans sa toile (de cinéma bien sûr !)
Car Casshern est à la base l’histoire d’une famille déchirée par la guerre ; entre un fils fraîchement marié qui est parti sur le front plein d’idéaux, sa mère contaminée par une maladie galopante liée au monde post-apocalyptique dans lequel elle réside, et son père qui travaille pour le compte de l’armée. Et toute cette dramaturgie est racontée sous forme d’une chronique de la déchéance annoncée, illustrée par un montage en parallèle grâce auquel Kiriya impose tout son savoir-faire. Les récits se complètent, les paroles se mêlent, les ambiances s’alternent et tout ceci dans une parfaite cohésion et une précision dignes des plus belles bandes-annonces.
Bande-annonce, le terme convient d’autant plus que le récit de cette première partie arbore tous les événements que peut comprendre un scénario de long métrage, puisque l’un des personnages principaux finit même par mourir après vingt minutes de film. Survient alors le plus incompréhensible des événements, et l’histoire bascule dans un tout autre univers. Du film quasi-psychologique on passe finalement à une œuvre de science-fiction prophétique qui relate l’avènement d’une horde de mutants et leur combat mené envers les humains.
Par ce thème de la lutte inter-espèces, cette seconde partie relève plus de la japanime (la plus célèbre d’entre elles, Gundam, base par exemple tous ses épisodes sur la lutte opposant humains et humanoïdes mutants). Sans parler de l’émergence d’un super-héros, vêtu de son armure technologique (d’ Astro à Ghost in the Shell, c’est un classique.) Décidément …
Toutefois, on se trouve assez loin des représentations classiques de ces sujets propres à l’animation japonaise. Conjuguant réalisation et photographie, Kiriya parvient à maintenir un univers constant et novateur (quoique le côté rétro-ancien très en vogue actuellement chez nos amis japonais évoque Steamboy dans certaines machineries, et on jurerait que quelques images sont directement tirées d’ Innocence) qui tient en haleine le spectateur malgré un scénario plutôt désordonné.
Le récit est scindé en deux, et lors de la transition d’une partie à l’autre, on se demande où nous mène cette histoire de mutants belliqueux, alors que les premières paroles du film portaient déjà sur une guerre toute autre. Le thème est les méfaits de la guerre, nous l’avions compris, mais pendant un bon bout de temps, on se demande dans quel sens l’arrivée soudaine des Néo-Sapiens offre une quelconque interprétation de ce thème. De plus, la réalisation se perd allègrement dans des combats fastueux. Et on pourra regretter que la précision entraperçue en début de film, ne laisse place à ce que l’on pourrait parfois qualifier d’ « arrogance visuelle ».
Et pourtant, le scénario s’étoffe tant bien que mal et certains dialogues élèvent peu à peu la réflexion à propos des fondements même de la guerre. Certes, il nous faut bien attendre une heure avant que les premières pistes de réflexion nous soient dévoilées, mais le parti pris du réalisateur sur le sujet est suffisamment intéressant pour être suivi jusqu’au bout. Issu de la science-fiction, le film s’illustre en quelque sorte comme une métaphore et on comprend pourquoi Kiriya a fait intervenir l’incroyable, dans un univers déjà imaginaire, afin de transfigurer ce à quoi on aurait pu s’attendre et qui n’aurait peut être pas suffit à expliquer les choses comme il faut. On aurait tout de même préféré un peu plus de lisibilité dans ce scénario, bien que cela soit le cas dans la magnifique conclusion, illustrant une piste de réflexion originale qui ne saurait laisser indemne…
Olivier BlondeauEnvoyer un message au rédacteur