CARGO
Le dernier combat
Dans une Australie dévastée par une mystérieuse épidémie, Andy, Kay et leur petite fille Rosie tentent de survivre sur un bateau le long d’un cours d’eau. Lorsque Kay est mordue par un contaminé, elle a moins de 48 heures avant de se transformer elle-même en zombie. Ils décident de mettre pied à terre pour tenter de rejoindre l’hôpital le plus proche afin de trouver une très hypothétique solution…
Sortie le 18 mai 2018 sur Netflix
Adapté du court métrage homonyme du même duo (sorti en 2013 et désormais en libre accès sur YouTube), "Cargo" est plus un film de survie qu’un film de zombies (mot d’ailleurs absent des dialogues, certains personnages préférant le terme « fantômes »). Il ne s’intéresse jamais vraiment à la façon dont le virus fictif a ravagé l’Australie, et encore moins à son origine. Le scénario reprend l’enjeu central du court métrage d’origine : comment un père (Martin Freeman) lutte de toutes ses forces et repousse ses limites pour sauver sa fille à tout prix. C’est sans doute dans cet amour paternel que réside l’un des meilleurs atouts de ce long métrage. Bien que la version courte y parvenait déjà très bien en moins de huit minutes, "Cargo" suscite efficacement notre empathie pour le père et pour sa fille – jouée par quatre bébés différents lors du tournage, la petite Rosie est tellement craquante qu’on a bien envie de l’adopter pour aider son père !
Le film n’échappe pas aux incohérences ou aux clichés du thriller. On se demande par exemple s’il n’y a pas quelques problèmes de temporalité, on se dit que le rôle du « méchant » (Anthony Hayes) est un peu caricatural, et on s’étonne aussi du nombre disproportionné de zombies sur un territoire d’une densité très faible ! Malgré cela, "Cargo" parvient à instaurer une ambiance tendue et à provoquer des émotions variées. Par ailleurs, on regrette très franchement que le personnage du vieux sage, interprété par le toujours excellent David Gulpilil, soit si mal et si peu utilisé, alors que tout laissait présager le contraire ! En revanche, la jeune Thoomi (Simone Landers), à la fois touchante et débrouillarde, rappelle les héroïnes aborigènes du "Chemin de la liberté" de Phillip Noyce.
"Cargo" a d’ailleurs le mérite de valoriser les Aborigènes (que le court métrage ne mettait pas en scène), présentés ouvertement comme ceux qui « s’en sortent le mieux » (dixit l’enseignante blanche restée seule dans un bled paumé après leur départ dans l’outback). Le message du film peut paraître naïf : le retour aux sources, aux traditions ancestrales, à une vie simple dans la nature, serait plus sain et protecteur que la civilisation occidentale, qui est tacitement désignée comme responsable du virus. Le film rappelle, plus largement, que l’Australie n’est originellement pas la terre des Blancs mais bien celle des Aborigènes. Les réalisateurs Ben Howling et Yolanda Ramke mettent ainsi à l’honneur leur aptitude à vivre dans ce milieu hostile, a priori inadapté pour un mode de vie occidentalisé. Pour rendre encore plus hommage à leur capacité d’adaptation, des musiciens aborigènes, dont Daniel Rankine (dit « Trials ») et le regretté Geoffrey Gurrumul Yunupingu (à qui le film est dédié), se sont chargés de composer une bande-son variée qui allie musique traditionnelle et musique moderne comme le hip-hop – une façon, tout de même, de ne pas jeter toute la culture occidentale avec l’eau du bain ! Enfin, la scène finale magnifie Wilpena Pound, l’un des paysages les plus époustouflants du pays. Moins célèbre que le rocher rouge d’Uluru (ou Ayers Rock), ce site est fréquenté par les Aborigènes depuis des siècles, et le film respecte le nom et l’essence même du lieu en faisant de ce décor un lieu de rencontre.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur