CAPRI - REVOLUTION
Trois visions du monde à un moment charnière
1914. Une jeune bergère d’un village de l’île de Capri, dans la baie de Naples, découvre au hasard l’existence d’un groupe de jeunes gens venus d’Europe du nord, vivant nus en communauté. D’abord offusquée, elle se met à observer leurs rituels et fait ensuite la connaissance de Seybu et des autres membres de la communauté…
L'intrigue du passionnant "Capri-Revolution" se situe peu de temps avant la Première Guerre Mondiale, à un moment où les idéologies s'affrontent, tout comme les visions d'univers aussi larges que le monde ou restreints qu'un petit village italien. Ici, une bergère d’abord d'offensée puis intriguée lorsqu'elle découvre un camp de nudistes occupant un village en ruine de l'île de Capri. Ce qui permet au réalisateur d'aborder à la fois tradition religieuse et locale (à travers la famille de la fermière), vision scientifique et collectiviste (avec notamment le portrait du médecin progressiste) et approche plus naturaliste et ésotérique (avec le leader de ces hippies avant l’heure).
Le nouveau film du metteur en scène italien de "Leopardi" (biopic du poète et écrivain en question) bénéficie d'une lumière magnifique et des décors naturels escarpés ou aquatiques de Capri. Le film s’ouvre d’ailleurs par une vue aérienne sur l’île et ses falaises abruptes, plaçant la caméra dans la beauté du monde, comme au dessus des mesquineries humaines qui vont ensuite se déployer. Montrant comment les « étrangers », au mode de vie différent, sont considérés par la société comme des « pervers », « truands » ou pire, des « diables », sa caméra devient plus légère et tourbillonnante lorsqu’il évoque leur rapport au corps, loin de la noirceur des costumes des locaux.
Ne cachant pas de possibles dérives sectaires, le scénario évoque la perversion d’un dogme voué à la liberté de corps et d’esprit, tout autant que l’élan de liberté et d’ouverture au monde qui gagne peu à peu la bergère. Mario Martone offre ainsi un très beau rôle à son actrice principale, Marianna Fontana, simplement habitée. Et au final, "Capri-Revolution" se révèle être une sorte de parenthèse où les tensions d'un monde au bord du gouffre se font ressentir (ombre de la guerre, tremblement de terre...), tout comme le désir d'une femme d'être enfin libre, loin des mariages arrangés et peut-être, au final, de lieux qui ne changeront peut-être jamais.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur