CAPITAINE PHILLIPS
À l'abordage !
En 2009, un navire américain est pris d’assaut par un raid de pirates somaliens, le capitaine étant pris en otage pour être ultérieurement échangé contre une grosse somme d’argent. Lorsque Paul Greengrass découvre ce fait divers, il a immédiatement l’idée d’en tirer un long-métrage. Mais au lieu de tomber dans le simple thriller et le film d’action testostéroné, le réalisateur va élever le postulat de départ vers une réflexion politique et sociale hautement intelligente. Refusant toute forme de manichéisme, il nous livre un drame ultra réaliste, sans artifice, où chaque détail est capturé avec une aisance déconcertante, nous prouvant encore une fois que peu de réalisateurs savent manier la caméra comme ce gaillard, en particulier dans les petits espaces où sa caméra à l’épaule se prête parfaitement à l’exercice.
Et cette plongée en haute mer n’est pas de tout repos : la tension est permanente, le rythme est haletant, et les rebondissements s’enchaînent sur un rythme effréné, empêchant le spectateur de souffler. On est pris à la gorge et aux tripes par un suspense captivant ; cramponné à nos sièges durant près deux heures, l’expérience est totale. Mais en plus des qualités scéniques et scénaristiques évidentes, la qualité du métrage tient également en grande partie sur la prestation époustouflante de Tom Hanks. Une nouvelle fois au sommet de son art, l’acteur imprègne le film de son aura, de son aisance à incarner un personnage jusqu’au bout des ongles, suscitant toute l’empathie du spectateur.
L’autre grande force de "Captain Phillips" est de ne pas présenter les pirates comme de grands méchants loups sanguinaires. Le réalisateur prend ainsi le temps de nous exposer les enjeux économiques, les justifications invoquées par ceux-ci, même si bien évidemment, on ne peut adhérer à de tels actes. Mais en les humanisant, Paul Greengrass renforce considérablement la dramaturgie de son projet, et l’intensité de l’affrontement entre le chef des pirates et le commandant du navire. Néanmoins, les clivages Nord/Sud et cette lutte des classes sont présentés trop caricaturalement, ce qui atténue la portée de la réflexion initiée et l’intérêt de certaines scènes. Toutefois, le metteur en scène, par sa mise en scène chirurgicale, autopsie chaque mouvement, chaque routine de l’équipage, et nous offre une immersion totale.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur