LE CANCRE
Femmes (du cinéma français), je vous aime !
Ne vous attendez pas à de grands moyens, ni même à de grandes envolées émotionnelles pour ce film ouvertement construit comme le bilan d’une vie et d’une carrière. Avec "Le Cancre", Paul Vecchiali reste fidèle à une production minimale, pour ne pas dire quasi artisanale, signe d’une entreprise modeste qui s’attache avant tout à sonder la mémoire d’un artiste. Cela étant dit, l’art du mélo propre à Vecchiali est ici laissé de côté : on est davantage dans une introspection, avec la relation père-fils comme espace de dialogue au présent, et la propre villa du réalisateur comme lieu de tournage. C’est dire à quel point le résultat s’impose comme une œuvre profondément personnelle et intime. Peut-être un peu trop, d’ailleurs…
On pourra se sentir légitimement exclu des conversations entre le père (Vecchiali lui-même, dans un rôle volontiers odieux et décalé) et le fils (Pascal Cervo, sobre et attachant), qui enquillent tant de réflexions sur l’argent ou la vieillesse sans parvenir à les rendre universelles. En revanche, dès que le casting révèle sa prédominance féminine, Vecchiali réussit à nous prendre à son jeu. La présence de nombreuses actrices plus ou moins mythifiées, de Françoise Arnoul à Catherine Deneuve en passant par Edith Scob et Annie Cordy, est en soi le vecteur d’une double mémoire, celle d’un homme qui réétudie son passé autant que celle d’un cinéaste qui revisite tout un pan du cinéma français. Que disent-elles, ces femmes, sinon que le réalisateur semble les avoir abandonnées pendant trop longtemps ou qu’il se soit éclipsé durant une période trop longue ? Dans ces moments-là, Vecchiali fissure son enveloppe de « cancre » pour révéler une fragilité totale, vaincu par son passé (les femmes de sa vie) et perturbé par un futur avec lequel il reste en décalage (son fils). Inégal et touchant, "Le Cancre" est ainsi fait. Mais comme dans le célèbre poème éponyme de Jacques Prévert, ce film dit « non » avec la tête mais « oui » avec le cœur. C’est amplement suffisant.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur