CAMILLE REDOUBLE
Second souffle
Des bijoux, du maquillage, un gros chat, quelques pilules et des flots de whisky… le générique annonce la couleur : l’univers de Camille est en demie-teinte, entre frivolité et dépression. Depuis la mort soudaine de sa mère lorsqu’elle était ado, sa vie a lentement basculé, accumulant déconvenues et gueules de bois. Alors quand elle se réveille transportée en 1984, elle peut de nouveau envisager sa vie d’adulte, avec tous les atouts en main pour changer le cours de son destin. Camille ne veut pas reproduire les mêmes erreurs. c’est l’occasion inespérée pour elle de dire à ses parents qu’elle les aime, d’éviter le garçon qui l’a fait tant souffrir tout en tombant à nouveau enceinte, histoire de connaître le seul rayon de soleil de son existence future, sa fille. Néanmoins revivre ses 16 ans, c’est aussi retrouver toute l’insouciance de ses années de lycée, les complexes en moins.
Cette pétillante fraicheur d’esprit, c’est l’essence-même du film de Noémie Lvovsky. Interprétant elle-même son rôle « jeune », elle insuffle un ton décalé qui fait tout le charme du film. La voir accoutrée en Cyndi Lauper de banlieue pavillonnaire et traîner son sac pour aller en cours est en soi un grand moment de bonheur. Avec un tel scénario, l’actrice se fait plaisir et ça se sent. Comme Camille qui retrouve ses potes de lycée, Noémie Lvosvky offre des rôles secondaires aux gens qu’elle aime : la petite bande des « beaux gosses » Ryad Sattouf et Vincent Lacoste, mais aussi Denis Podalydès, Samir Guesmi et Mathieu Amalric (savoureusement odieux en prof pervers). Comme dans « Peggy Sue s’est mariée », elle offre à son personnage l’opportunité de vivre les émois d’une jeune fille, tout en ayant la liberté d’une femme mûre. Les situations cocasses font mouche et donne à rêver de vivre un jour la même aventure.
Loin de céder à la facilité de son sujet, la réalisatrice ne se contente pas de remémorer à tout un chacun ses folles années de lycée. Elle ajoute à ce joyeux divertissement une belle réflexion sur la fatalité, et dirige son récit avec une certaine intelligence. Elle ne refait pas une version française de « Retour vers le futur », où chaque événement a une conséquence immédiate sur le destin. Son propos est tout autre, plus introspectif. La fin n’est pas forcément celle que l’on attend, les épisodes prévisibles sont traités avec beaucoup de justesse et non comme un ressort scénaristique. À aucun moment, elle ne force le trait, suggérant ainsi ce qu’il faut d’émotion, sans pathos, ni envolées lyriques. Sous couvert de légèreté, Noémie Lvovsky nous propose un film parfaitement maîtrisé. Le résultat, fluide et profondément humain, en est la preuve et a été très justement primé à la Quinzaine des réalisateurs. « Camille redouble », certes… mais avec les félicitations du jury !
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur